Jane Sautière / fragmentation d'un lieu
commun un entretien inédit, des extraits, deux lectures |
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avec les livres de Michèle Sales (La Grande Maison, Rouergue, 2001) et de Philippe Claudel (Le Bruit des Trousseaux, Stock, 2001), remue.net a déjà voulu s'impliquer dans ces quelques rares livres qui, écrits avec la prison, portent sur nous-mêmes l'interrogation - le livre très dense de Jane Sautière est évidemment de cette catégorie-là - FB sur Jane Sautière: retenue
nécessaire, par Michèle Sales |
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cet entretien est inédit dans son intégralité 2. À la lecture de Fragmentation d’un lieu commun,
on constate qu’il ne s’agit pas d’un simple témoignage
sur l’univers carcéral, mais au contraire d’une écriture
de la mémoire. 3. Est-ce que la forme du fragment s’est imposée d’emblée?
Comment avez-vous choisi parmi cette multitude de rencontres, les cent
fragments qui constituent le livre? 4. Pourquoi avez-vous choisi de vous adresser à ceux dont
vous parlez (en leur disant soit «tu», soit «vous»,
selon l’interlocuteur)? 5. Comment faut-il entendre l’expression «lieu commun»
dans le titre?
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fragmentation d'un lieu commun / extrait inédit
On se sait rien ce qu'on écrit. Qu’est ce que je fais ? Une commémoration, une exhumation,
l’empreinte de la trace creuse laissée en moi par votre passage,
bref, décisif ? Des portraits, une photographie, un polaroïd
? Un polaroïd, cette polarisation de la lumière déjà
dépassée. Vous tenir encore un peu à hauteur des yeux, du regard. Encore, contre le temps.Quoi encore? Rendre compte de la réalité sociale, telle qu’elle m’a traversée, telle que je la traverse, prise et restituée par elle, en cercle ? Ou bien une avancée linéaire, une écriture qui rend compte d’un passage, celui du temps, d’une époque. Un passage, le vôtre et le mien, une figuration, comme au cinéma
: tenir son rôle dans la multitude . Ecriture prise dans une profession,
pas tout à fait une fiction, Figurative en tout cas.Je ne sais pas. J’avance. Je ne suis pas seule. Je vous contiens et je vous déverse. Oui, peut être une trace. Ce qui n’est plus, le signe d’une présence déjà abolie. C'est le contraire de rien, c'est l'opposé de l'oubli. Choisir les mots par lesquels cela s’énonce est une liberté considérable, plus haute que les murs qui vous enferment encore.
© Jane Sautière |