Festival Quatre Un. Les écritures créatives.

Dans le cadre de ma résidence, le musée national de l’Histoire de l’Immigration m’a offert l’opportunité de donner des ateliers d’écriture auprès de collégiens, lycéens et d’enseignants. C’est à ce titre que les Ateliers Phénix m’ont invitée au festival Quatre Un, à la Sorbonne nouvelle, le 27 mai 2023 ; et plus particulièrement à la table ronde « Ecrire en Atelier : émancipation / création » à laquelle participaient Séverine Daucourt, poète et performeuse musicale, Louise Desbrusses, écrivaine, performeuse et vidéaste, Aurélie Foglia, écrivaine, poète et chercheuse en littérature, et Anne Godard, écrivaine et maîtresse de conférences en langue et littérature française à la Sorbonne nouvelle. Toutes animent régulièrement des ateliers d’écriture.

L’occasion était donc belle de confronter mon expérience récente et sporadique de l’atelier à leur vision au long cours, la discussion portant plus sur la portée d’un atelier que sur la menée proprement dite des ateliers (même s’il est parfois difficile de distinguer l’une de l’autre). Qu’est-ce qui se révèle au participant quand il découvre sa propre faculté d’écriture ? Dans quoi va-t-on l’aider à puiser ? Vers quoi espère-t-on le conduire ?
Plusieurs questions pratiques ont cependant été abordées : quelle est la place de l’animateur ? Que peut-il se permettre de donner en retour d’un texte, sans que cela ne soit pris pour jugement, positif ou négatif. Comment formuler un encouragement sans être dans une position professorale ? Comment questionner un texte sans en être le censeur ? L’animateur s’inscrit-il dans le mouvement d’écriture ou reste-t-il à disposition des participants ? Que faire des textes qui résultent d’un atelier ? Les lire, en garder une trace écrite, produire une performance littéraire ?

Pour accompagner des écrivants, je me suis pour ma part nourrie de ma seule expérience d’écrivaine ; expérience de laquelle j’ai abstrait quelques principes simples mais robustes.
• L’écriture (telle que toutefois je la pratique) est un exercice physique, c’est-à-dire un exercice qui engage le corps. Pour écrire, il me faut recourir à deux subterfuges : l’un qui me permet de ne penser à rien, strictement rien ; l’autre à l’inverse qui me permet de laisser les pensées partir dans tous les sens, sans contrôle. La méditation d’un côté, la course à pied/ marche/ natation de l’autre. Vider l’esprit pour le laisser divaguer et foisonner.
• L’écriture (telle que toutefois je la pratique) est une discussion menée avec mes lectures ; les livres sont mes interlocuteurs. Ils me parlent palettes de couleur, intention, virtuosité, sobriété, abondance, assertions, mauvaise foi, démonstration, flamboyance, style, étroitesse, grande largeur, format, non-format, émotions, grandiloquence et mots justes.
• L’écriture (telle que je la pratique) est un aller-retour constant entre l’expérience individuelle, intime, singulière, particulière, petites choses et petites histoires, et l’expérience collective, publique, ordinaire, grands moments et grande Histoire. Et c’est dans ce frottement des expériences que surgit ce paradoxe d’un énoncé à la fois intime et universel.

Forte de ces trois consignes qui me sont toutes personnelles, je commence l’atelier par un moment d’étirements, d’échauffement physique, puis par un moment de méditation et j’invite les participants à aller faire un petit tour dehors si les mots butent lors de la rédaction d’un texte. Je leur demande de penser aux écrivains et/ou aux livres qu’ils aiment (ou pas) et de lister les adjectifs qui leur viennent à l’esprit pour qualifier ces textes/auteurs ; ceci afin que leur atelier se passe sous le parrainage d’un auteur particulier. Puis nous passons à la liste fourre-tout des souvenirs personnels/collectifs afin qu’une émotion et un cadre se dessinent qui présideront à l’écriture.

C’est dans ces conditions préparatoires que se déroule alors l’atelier. Chacun.e ensuite se lance dans ce moment qui n’appartient qu’à lui ou elle, ce moment d’apparition du texte. Texte qu’il/elle choisira par la suite :
De faire disparaître,
De faire commenter
De lire
De faire lire
De diffuser
De taire
D’offrir
Ou de faire disparaître
Puisque ce texte n’appartient qu’à lui ou elle…..

https://quatre-un.com/#tables-rondes-2

23 juin 2023
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