Je ne m’échappe pas
Je ne sais plus tenir un journal… Pourtant la résidence s’organise, elle s’enracine. Pourtant, je pense à cet espace d’écriture que je veux habiter. En même temps, tenir un journal public m’embarrasse un peu. En même temps, il s’agit de consigner, de noter pour mieux retenir, de poser des balises en chemin, des repères. En plus, des cailloux, il y en a : les conversations autour de nos lectures, les passages réguliers à la librairie, les trucs qu’on y oublie qui a valu la bonne plaisanterie de Rosalie : « alors puisque tu es en résidence, tu t’installes et laisses trainer tes affaires partout ! », il y a le bulletin d’inscription pour participer au prix à déposer dans l’urne virtuelle ou réelle, il y a la sélection très attendue par les enseignantes de la classe du lycée qui constituera une voix dans notre jury, il y a Isidore qui n’arrive pas à ouvrir le portail, il y a les pas de côté que nous prévoyons, il y a un quotidien de la résidence en somme. Mais pas de journal. Ou un piètre journal.
Parce qu’aussi, il y a cette menace qui plane et nous recouvre de son ombre d’inquiétude, il y a ce virus qui fait de plus en plus de dégâts et qui, au jour au j’écris, nous obligera peut-être au repli, à la réclusion, il y a une sensation de malaise liée à tout cela qui donne une tonalité étrange à nos jours et à vrai dire, je n’ai pas envie d’ajouter ma voix à ce triste chapitre.
Je ne m’échappe pas, non, je réside.