Le signe que cela commence
Je suis à Belleville pour écouter des hommes et des femmes venus d’ailleurs, me raconter leur vie. Certains, cherchent de l’eau dans le désert. Je pensais, sur mon banc et entre deux bouchées, « moi, je cherche le sable ».
Je voudrais donc raconter des vies à partir de rencontres réalisées pendant ma résidence. Des vies de gens vivants. Des vies de gens qui ne sont pas nés en France et qui y vivent à présent. Des faits singuliers, présents dans le texte, les individualiseront parfois alors qu’à d’autres moments, les différents récits ne seront plus distinguables. Nous aurons à faire au sable. Il existe beaucoup de sages pour comparer l’Être humain à un grain de sable ; à un minuscule grain de sable dans l’immensité du désert. Il existe beaucoup de tyrans pour partager ce point de vue.
La première personne que j’ai rencontrée est Turque. Ou Grecque. Ou Arménienne. Ou Française, dira-t-on, pour en finir faussement avec une informulable identité « gréco-turco-arménienne ». Je parle de la première « vraie » rencontre. La première vie que l’on m’a confiée autour d’un thé, avec des mots plein d’épines.
Les gens viennent toujours d’un endroit qui n’existe plus sur une carte. Qui était un temps avant d’être un lieu. Dans la phrase, les étrangers « n’ont qu’à rentrer chez eux », « le chez eux » est un trou noir, un néant. Le rêve ou le cauchemar d’une nuit très ancienne. Un endroit impraticable ou qui n’existe plus.
Il est possible que très bientôt, je ressente le poids infini de ces dons comme une responsabilité.
Je ne sais pas.
Il y a bien des choses que je ne sais pas malgré le signe. Par exemple, il est possible que ce ne soit pas un beignet que j’ai mangé sur un banc, mais une crêpe. Je poserai la question au boulanger la semaine prochaine.