Lecture du Journal d’un veau de Jean-Louis Giovannoni par Daniel Mesguich
25 mars 2019
École nationale vétérinaire d’Alfort, Amphithéâtre d’anatomie du XIXe siècle
"Je suis celui qui ouvre un jour intérieur, promet la transparence. Qui ne mangera plus de ces chairs lourdes gagnera la blancheur, l’indolore et la paix."
Journal d’un veau, roman intérieur, avec une préface de l’auteur (rééd.) Editions Léo Scheer, 2005.
Ainsi que l’écrivait Xavier Person dans Le Matricule des Anges, à sa parution en 1996, Journal d’un veau, intitulé « roman intérieur », déroute, trouble. Qu’un veau en personne en soit le narrateur amuse d’abord. Plein d’égards pour la race bovine et ses états d’âme, on se réjouit d’en pouvoir découvrir les tréfonds. Mais, très vite, on découvre que le veau est un peu plus ou un peu moins qu’un animal. C’est un être de blancheur qui nous parle, presque un ange. Laissé sous le ventre de sa mère, dans la pénombre de l’étable, le veau de lait a pour destin d’arriver dans l’assiette de l’homme au paroxysme de sa blancheur, dans le tendre de son plus jeune âge. De cette fatalité, le veau auquel Jean-Louis Giovannoni donne la parole fait une mission sacrée, un apostolat. Le journal alterne entre le chant et le prêche. Dans un lyrisme parodique, grandiloquent, passant du sentimental le plus mièvre à l’épique, le veau se livre sans complexes à une exaltation de sa blancheur, de son "innocence laiteuse". Par elle le monde retrouvera sa beauté, le cœur des hommes sera sauvé. Sa virginité laiteuse est une promesse pour chacun d’entre nous. L’intérieur sombre de nos corps à son contact sera éclairé. La tranche de veau fera comme la caresse d’un ange dans nos ventres.
Daniel Mesguich porte depuis la première parution du Journal d’un veau en 1996 (Deyrolle éditeur) un intérêt sans cesse renouvelé pour ce texte si particulier et plus généralement pour l’écriture de Jean-Louis Giovannoni. Il en a donné lecture à de nombreuses reprises dans des contextes variés. Entendre ce texte résonner dans l’amphithéâtre d’anatomie qui a été depuis sa création au XIXe le lieu de nombreuses dissections pédagogiques, fut une expérience unique.