Les groupes mémoriels de la guerre d’Algérie. Focus sur les femmes.
Ateliers au collège Nelson-Mandela, Le Blanc-Mesnil, en collaboration avec Maya Touam.
Menés avec 4 classes de 3e, 30 et 31 mars 2023.
Il y a des projets qui enchantent. Celui initié par Maya Touam dans le cadre de sa résidence au collège Nelson-Mandela du Blanc-Mesnil est de ceux-là.
L’idée est brillante. Rendre accessible aux jeunes collégiens une histoire complexe (la guerre d’Algérie) en convoquant leur capacité d’imaginer. L’Imagination au service de l’Histoire. Il fallait oser.
Plus subtile encore, Maya Touam a choisi d’aborder la question par le prisme féminin. C’est sur le rôle des femmes dans la guerre d’Algérie que les élèves vont se pencher. Et pour cela, elle a préparé un dossier (articles, images d’archives, photos, documents) à partir duquel les élèves doivent faire surgir un personnage de fiction.
Six dossiers sont distribués pour camper six personnages distincts : une Européenne en faveur de la lutte anti-colonialiste, une Européenne en faveur de l’Algérie française, une indépendantiste (chahida ou moudjahidate), une harkette, une femme pied-noir et une femme issue de la communauté juive. Voilà les groupes mémoriels auquel il s’agira de donner vie.
Vous auriez dû les voir, ces collégiens, s’emparer du sujet et dans un aller-retour entre les documents et leur feuille, tenter de créer un personnage historique, cohérent et complètement fictif. À cette femme, il faut lui trouver un nom, lui donner un âge, mariée ou non ? Des enfants ? Elle fait quoi ? Pourquoi, comment ?
Voilà que l’imagination appelle à se poser les bonnes questions : comment s’engage-t-on dans un combat politique armé ; qu’est-ce qui nous y pousse ? Des articles sur des personnalités incontournables de l’époque – Zohra Drif, Djamila Bouhired, Hassiba Ben Bouali, Gisèle Halimi, Josette Audin – aident à imaginer un parcours biographique. Ou encore, pour imaginer une combattante (FLN ou harkette), il faudra se demander si et comment elle a pris les armes. À partir de ces photos de femmes en habit traditionnel ou en treillis militaire, fusil à l’épaule ou en joue, seront conçus un destin, un horizon, une histoire.
Les jeunes gens se penchent donc sur un sujet difficile : la guerre. Et la tentation est grande de désigner les gentils et les méchants, les héros et les traîtres, de glorifier et destituer d’un coup de crayon. Eh bien figurez-vous que ce ne fut pas le cas. Bien qu’abreuvés par ailleurs de fictions manichéennes, ces jeunes ont fait montre de prudence. Les camps sont opposés, mais la jeune femme appelée à soigner des soldats français finit par tomber amoureuse d’un indigène. Nombre de fictions créées par les collégiens ont cherché le happy end, fût-il incongru. C’est cela qu’il nous faudra retenir. La jeunesse est prête à creuser dans les archives du passé, elle le fait avec application et sérieux, mais elle a un agenda : que ces archives se referment sur une histoire apaisée.
Le projet a alors fait coup double : permettre de comprendre l’histoire et de lui donner un sens à venir, un sens pour l’avenir.