les réponses à 10 questions (J. Faerber, 1)

À chaque rencontre, je pose 10 questions, toujours les mêmes, à l’invité du soir. Le jeudi dernier, les réponses de Johan Faerber étaient fabuleuses que je lui ai demandé de laisser la trace ici...

Les voici (je divise en deux parties, la seconde est ici) :

1. Quel est votre premier souvenir en lien avec la nourriture ?

Je crois que ça doit être les gnocchis crus de ma grand-mère. En fait, je ne sais pas mais comme on ne devait pas les manger, j’étais inévitablement irrésistiblement attiré. Il y avait là une interdiction totale. Mais comme c’étaient des gnocchis de patate, crus ils étaient tout aussi bons. J’en faisais des indigestions et des comédies à l’italienne s’ensuivaient avec force lamentations. Je crois que ça doit être mon premier souvenir, avec la polenta.

2. Quelle est la première recette que vous ayez réalisée ?

La première recette que j’ai réalisée, ça doit être les lasagnes. D’ailleurs je ne sais faire que ça. C’est la première et la seule recette partant la dernière. Comme ma famille est italienne, notre culte des pâtes est sans bornes. On est comme portés tous de ma grand-mère à ma mère en passant par ma soeur par une sorte de mystique de la pâte. Ma recette des lasagnes est assez révolutionnaire : je les fais en 20 minutes montre en main. Hé oui.

3. Quels sont les livres (en tous genres – pas seulement les livres de cuisine) qui vous ont le plus inspiré ?

S’agissant de livres, hors de la cuisine, c’est inévitablement Proust et La Recherche du Temps Perdu : c’est le livre qu’on ne peut que logiquement placer au-dessus de tout et de tous. C’est un moment de grâce et de conclusion absolue dans la littérature. Sinon ce sont inévitablement Duras et Savitzkaya.
Le reste n’a pas beaucoup d’importance, et me paraît très fragile.

4. De quel plat auriez-vous envie, mais que vous ne pouvez plus manger (l’ingrédient est introuvable, la personne qui le cuisinait n’est plus...) ?

Je dirais le Nutella. Suite à des problèmes de santé (calculs rénaux) je ne peux plus en manger ne serait-ce qu’une seule cuiller : et c’est assez curieux parce que je n’ai jamais particulièrement raffolé mais là, évidemment, comme je ne peux plus en manger, j’en ai très envie. Je suis une caricature pour apprenti psychanalyste.
Et puis, j’ai interdiction de boire du Champagne. Mais ça, ça me dérange nettement moins. C’est la part sociale que je rejette toujours.

5. Quel livre de cuisine offririez-vous à celui/celle que vous aimez ?

Hormis La Cuisine des écrivains qui est le meilleur livre du monde comme tout le monde le sait, je dirais Brillat-Savarin. Son œuvre est assez curieuse, portée comme beaucoup au 19e par une volonté de fonder une pseudo-science et alors sa parole s’emporte en imaginations diverses. Il imagine des analyses scientifiques et enfonce sa parole dans des récits ou des anecdotes où le plat, les repas revêtent une importance dramatique fondatrice : on ne mange plus pour manger, on mange pour agir sur l’autre, porter le plat en vecteur du social. ça m’épate beaucoup cette idée de roman raté, de roman sans roman. Et on peut le lire de bout en bout, comme un récit de pensée.

24 octobre 2011
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