Prologue. Benoît Vincent & autres
Il y a des étendues.
Il y a des étendues, et toujours derrière des étendues, d’autres étendues. Des étendues vertes et glauques et placides. On dirait de grandes toiles agitées par le vent. Ou des peaux frissonnant.
A cette hauteur on ne distingue aucun relief, aucun obstacle, aucun accroc dans ce beau tissu hésitant.
Sur ma carte, lorsque je compare l’une et l’autre étendue, je ne vois rien. Pas de différence.
Rien. Qu’une grande étendue.
Laquelle des deux, celle de la carte ou celle du monde traduit le plus fidèlement l’autre ?
Je pars. Je quitte ma maison, je quitte ma ville, je quitte mon pays.
Je pars pour mettre du relief. Pour caler des repères, des points de repères. Global Positioning System, géoréférencer le site.
Lever une carte. Lever, ériger. Eriger un mur, une frontière. Construire la fin du monde.
Il y a ce que je porte sur les yeux, et ce que j’emporte dans ma mémoire.
Habiter : tracer du pied des lignes sur le sol nu. Géoréférencer. Globalization. Google Earth. Un grand pas pour l’humanité : poser des repères sur du vide. Poser des points, tirer des lignes. Vectoriser l’ensemble. Rasteriser. Générale Identification. Global Information.
Informer, informer à tout prix. “Donner”, monter le dehors, tout le dehors. L’entièreté du dehors. Informer, donner les données, au prix même de l’intimité. Au prix même de l’individu. Généraliser. Générale Information.
Je viens d’ailleurs, le plus ailleurs qui soit. Je m’appelle Climax.
Climax serait le nom d’un soldat romain. Envoyé sur la bordure de l’Empire, à qui on demande de bâtir un mur.
Ce pourrait être aussi le nom d’un programme européen de sauvegarde des habitats. Ou une exposition sur le réchauffement climatique. Ou une manufacture, comme Acme, par exemple.
Ce pourrait être un titre. Titre de roman, ou titre honorifique.
Climax c’est l’équilibre. C’est le moment ou tout peut basculer, mais pas encore tout à fait. C’est le faîte. C’est le bon moment. C’est le point culminant, mais qui dure.
C’est la campagne qui avance.