Sylvain Coher / Cartes postales du Pouliguen

Le Pouliguen – Ateliers d’écriture « Cartes postales » – 1ère séance –
14 mai 2003
les ateliers d’écriture du POULIGUEN,
proposés par l’association Le Sel des Mots (tel : 02.40.15.08.00).

 

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présentation, par Sylvain Coher

Lorsque je débarque au Pouliguen, j’ai déjà dans un coin de la tête qu’un atelier d’écriture doit être une petite chose simple, mais efficace ; qu’on ne chalute pas les mots, on préfère la dandinette, cette pêche tranquille qui consiste davantage à trouver un petit coin de rocher sympathique plutôt que le dragage industriel de tout ce qui peut vivre ou survivre dans une marée d’inspiration.

Lorsque je débarque au Pouliguen je préfère la sole au maquereau, ça ne se commande pas. Je suis le capitaine : pas Achab, plutôt Haddock. Je fonce vers une terrasse, sur le port, pour commander un demi et regarder les gens passer. J’ai plusieurs séances devant moi, et je ne sais pas encore quelle forme ni quel objectif donner à mes ateliers. Lorsque je débarque je ne sais que cela : marre des longues feuilles où s’épanchent les vies, les sensations, des parodies de fiction et les énièmes tentatives poétiques : je connais ça, c’est ce que je fais toute l’année. Ce ruminement de mandibules est mon travail d’écrivain. Pour mes ateliers je suis toujours à la recherche de formes plus concises. J’ai un truc, je crois, en limitant l’écriture au format d’un support. J’ai déjà fait écrire sur des fiches de police, des emballages de chocolat... Sur le papier les bavards doivent écrire plus petit, tout petit, et les timides sont heureux de centrer six mots biens choisis. C’est dommage, me dit-on, j’ai pas eu la place... tant pis, l’écriture commence ici: à l’économie, en pesant les premiers mots inscrits, avec la frustration d’une chose énorme qui devrait durer encore.

Au Pouliguen j’ai l’idée de l’atelier en voyant le support, partout autour de moi, sur les présentoirs circulaires des marchands de journaux & souvenirs : des cartes postales partout, des vues sur la mer, sur les marais salants, des églises, des visages, des seins nus et des mouettes bien grasses sur des ciels garantis technicolor, des bateaux de pêche lustrés (attention peinture fraîche) et des lagons azurés certifiés au recto : côte d’émeraude. Dix sur quinze : cent cinquante centimètres carrés où poser l’écriture. C’est assez. Tout s’enchaîne rapidement : je commande un nouveau demi, je marmonne nous remplacerons les photos par des phrases, oui, nous ferons des phrases photographiques et le résultat de l’atelier, cette gâterie qui consiste à publier coûte que coûte à petit tirage réconfortant ce qui s’est bien fait, ce sera des cartes postales. A l’endroit une sorte de mouette écrite, un jour de marché, ou une vague imaginaire, ou un bateau de pêche hauturier ; à l’envers l’inévitable légende, le petit cadre pour le timbre, trois traits horizontaux pour l’adresse...

Lorsque j’arrive au Pouliguen je me prends à rêver qu’autour de moi des présentoirs proposent les pages décousues d’un livre insaisissable. Un paysage écrit. D’insaisissables clichés. Encore une marée noire, un bord de mer soudainement encré. J’en paie une quarante centimes et je l’envoie à mon grand-père : je passe un séjour agréable, tout va bien je t’embrasse. Au dos il y aura cette photo, prise au bic sur un coin de table quelques jours plus tard, lors du premier atelier :
Hérons dans les marais salants de Guérande, au printemps.
Au premier plan, il y a une vieille Jeep boueuse et cabossée sur laquelle s’appuient un las et une brouette de bois gris. Au loin, le clocher du bourg de Batz disparaît dans la brume bleutée. Mais au milieu de l’œillet, entre les murs d’argile, planté dans l’eau rose et grise, un héron pêche. Son long cou gris courbé, le bec jaune à demi enfoui, on devine un poisson petit, luisant, pris au piège de ce gourmand.
B

lire "Les exos du Pouliguen", carte postale + 2 citations, au format PDF

Au centre de la cité se trouve le bazar, particulièrement animé en fin de semaine.
Au premier rang, il y a l’étalage de carte postales, exposées à l’extérieur du bazar. Une enfant s’amuse en faisant tourner le présentoir et rit de ce défilé de couleurs. Au centre d’une photo se dresse la porte principale, bleue et blanche, ouverte aux promeneurs ; elle les incite à acheter. A l’intérieur du magasin, on devine un rayon de souvenirs divers. Dans le fond de la salle, le comptoir propose des articles de farces et attrapes. Le vendeur semble avoir une discussion animée avec un client. Les touristes affluent dans le bazar et contribuent à la vie qui illumine le magasin.
MC

Chaumière en Brière, avec les chalands et coupe des roseaux.
Au premier plan, il y a des gerbes de roseaux verts et noirs, encore vivants mais déjà liés, jetés sur le sol de tourbe foncée. Juste derrière, l’eau verte du marais reflète la silhouette mouvante du chaland massif, sombre, encore chargé d’autres roseaux coupés. Au loin émerge d’un feuillage clair et ensoleillé une chaumière blanche et bleue au toit de chaume. Ca et là y poussent quelques iris violets qui cherchent le soleil.
B
Oiseau emblématique et problématique (à cause de son nombre grandissant) Ville de Batz.
Au premier plan il y a un gros oeil noir, qui laisse percer une lueur de malice ; puis vient le bec, légèrement recourbé, avec des teintes nacrées. Une légère houppette de plumes argentées fait une couronne à notre oiseau ; d’autres, attentionnées, lui font une capuche. Son cou, fin, rappelle le col d’un vase ; il souligne la grâce des ailes, si délicatement ouvragées. Des reflets dorés soulignent les courbes des muscles. Puis viennent les tubulures des pattes, que le volatile a croisé. L’ensemble est à la fois gauche et gracieux, évoquant un galion qui croise sur les flots.
CC

Flottille d’Optimists régatant dans la baie.
Au premier plan il y a une plage éblouissante sur laquelle trois enfants jouent, remplissant leurs seaux d’une manière nonchalante. Pas un bruit de machine, de sifflet ou de moteur. Sur l’eau tranquille, deux navires passent à tribord, trois passent à bâbord. Le soleil est étourdissant. Arriveront-ils à atteindre à l’extrême gauche la grosse bouée jaune ?
PL

Ronde d’enfants joyeux dans la grotte des korrigans.
Au premier plan, il y a quelques rochers noirs, déchiquetés, englués dans le goémon. L’ouverture de la grotte est suffisamment large pour révéler une ronde d’enfants ; six, environ, qui, drapés dans leurs serviettes de bain multicolores, jouent aux lutins endiablés. Un rayon de soleil, pénétrant par les anfractuosités de la roche, éclaire leurs visages rieurs. L’arrière plan est sombre, comme si la grotte désirait conserver son mystère sur le fameux passage secret qui, dit-on, conduit au cœur des marais...
M

Vol au dessus d’un port de pêche. Cette mouette a été figurante dans le film « Le 15 août ».
Au premier plan il y a ce petit port de pêche et de plaisance. Les voiliers aux ailes blanches se balancent au gré des vagues, au gré de la marée. Des mouettes survolent en criant, en se poursuivant. Au second plan, sur la promenade en face, bordée de chênes centenaires, des promeneurs flânent. Des enfants jouent en courant, le tout imbibé d’un radieux soleil.
NM

Hérons dans les marais salants de Guérande, au printemps.
Au premier plan, il y a une vieille Jeep boueuse et cabossée sur laquelle s’appuient un las et une brouette de bois gris. Au loin, le clocher du bourg de Batz disparaît dans la brume bleutée. Mais au milieu de l’œillet, entre les murs d’argile, planté dans l’eau rose et grise, un héron pêche. Son long cou gris courbé, le bec jaune à demi enfoui, on devine un poisson petit, luisant, pris au piège de ce gourmand.
B