Sylvain Coher / Cartes postales du Pouliguen | |
Le Pouliguen – Ateliers d’écriture « Cartes
postales » – 1ère séance –
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présentation, par Sylvain Coher Lorsque je débarque au Pouliguen, j’ai déjà dans un coin de la tête qu’un atelier d’écriture doit être une petite chose simple, mais efficace ; qu’on ne chalute pas les mots, on préfère la dandinette, cette pêche tranquille qui consiste davantage à trouver un petit coin de rocher sympathique plutôt que le dragage industriel de tout ce qui peut vivre ou survivre dans une marée d’inspiration. Lorsque je débarque au Pouliguen je préfère la sole au maquereau, ça ne se commande pas. Je suis le capitaine : pas Achab, plutôt Haddock. Je fonce vers une terrasse, sur le port, pour commander un demi et regarder les gens passer. J’ai plusieurs séances devant moi, et je ne sais pas encore quelle forme ni quel objectif donner à mes ateliers. Lorsque je débarque je ne sais que cela : marre des longues feuilles où s’épanchent les vies, les sensations, des parodies de fiction et les énièmes tentatives poétiques : je connais ça, c’est ce que je fais toute l’année. Ce ruminement de mandibules est mon travail d’écrivain. Pour mes ateliers je suis toujours à la recherche de formes plus concises. J’ai un truc, je crois, en limitant l’écriture au format d’un support. J’ai déjà fait écrire sur des fiches de police, des emballages de chocolat... Sur le papier les bavards doivent écrire plus petit, tout petit, et les timides sont heureux de centrer six mots biens choisis. C’est dommage, me dit-on, j’ai pas eu la place... tant pis, l’écriture commence ici: à l’économie, en pesant les premiers mots inscrits, avec la frustration d’une chose énorme qui devrait durer encore. Au Pouliguen j’ai l’idée de l’atelier en voyant le support, partout autour de moi, sur les présentoirs circulaires des marchands de journaux & souvenirs : des cartes postales partout, des vues sur la mer, sur les marais salants, des églises, des visages, des seins nus et des mouettes bien grasses sur des ciels garantis technicolor, des bateaux de pêche lustrés (attention peinture fraîche) et des lagons azurés certifiés au recto : côte d’émeraude. Dix sur quinze : cent cinquante centimètres carrés où poser l’écriture. C’est assez. Tout s’enchaîne rapidement : je commande un nouveau demi, je marmonne nous remplacerons les photos par des phrases, oui, nous ferons des phrases photographiques et le résultat de l’atelier, cette gâterie qui consiste à publier coûte que coûte à petit tirage réconfortant ce qui s’est bien fait, ce sera des cartes postales. A l’endroit une sorte de mouette écrite, un jour de marché, ou une vague imaginaire, ou un bateau de pêche hauturier ; à l’envers l’inévitable légende, le petit cadre pour le timbre, trois traits horizontaux pour l’adresse... Lorsque j’arrive au Pouliguen je me prends à rêver
qu’autour de moi des présentoirs proposent les pages décousues
d’un livre insaisissable. Un paysage écrit. D’insaisissables
clichés. Encore une marée noire, un bord de mer soudainement
encré. J’en paie une quarante centimes et je l’envoie à mon
grand-père : je passe un séjour agréable, tout va
bien je t’embrasse. Au dos il y aura cette photo, prise au bic
sur un coin de table quelques jours plus tard, lors du premier atelier
: lire "Les exos du Pouliguen", carte postale + 2 citations, au format PDF |
Au centre de la cité se trouve le bazar, particulièrement
animé en fin de semaine. Chaumière en Brière, avec les chalands et coupe des
roseaux. Flottille d’Optimists régatant dans la baie. Ronde d’enfants joyeux dans la grotte des korrigans. Vol au dessus d’un port de pêche. Cette mouette a été figurante
dans le film « Le 15 août ». Hérons dans les marais salants de Guérande, au printemps. |