Tout arrive

Machine à fumée (1901) d’Etienne-Jules Marey
D’après un cliché de la "machine à fumée" d’Étienne-Jules Marey, mis en page par le graphiste Philippe Bretelle

Le 7 octobre 2021 paraîtra mon premier livre – Vide sanitaire – aux éditions Verticales. Déjà cette perspective me remue grandement, l’image choisie en couverture en témoigne – comme une trouée, remous d’air et de fumée dans la pièce aveugle. Ce n’est pas comme si je n’avais pas accompli ce trajet. Depuis le temps que je couvais ce récit. J’ai donc attendu que la résidence d’écrivain s’achève pour me mettre à écrire « pour de bon », n’étant plus dans l’obligation de rendre public ce qui pouvait me travailler alors. Pour cela, il a fallu l’étincelle produite par une rencontre fortuite avec le tandem d’éditeurs Yves Pagès et Jeanne Guyon, rencontre qui a eu lieu un soir d’été, devant la galerie Poggi, à Paris, au sortir d’une conversation entre Jean-Max Colard et Gregory Buchert autour de son livre Malakoff paru le 16 mars 2020. Lors de celle-ci, entre autres choses, ont été évoquées la mélancolie de l’exposition et la tentation d’arrêter l’art. Aussi le galeriste, connaissant mon parcours biscornu, m’a-t-il donné la parole. J’ai alors évoqué mes années pompes funèbres auxquelles je ne cesse de revenir depuis mon départ de L’Autre Rive, tout en avouant n’avoir pas encore trouvé la forme littéraire pour accueillir ce récit. Après quelques petits pas devant la porte de la galerie, Yves Pagès est venu me parler ; très vite, le courant est passé entre nous, j’ai compris ce qu’il attendait de moi, il m’a remis au travail illico, a su trouver les mots. Dix jours plus tard, il m’a écrit un mail qui n’a fait que confirmer ce que j’avais senti lors de notre bref échange. Son message, je le sais presque par cœur, tellement il a agi comme un détonateur :

Cher François Durif,
Nous avons discuté sur le trottoir à la sortie de la rencontre avec Gregory Buchert.
On avait évoqué un hypothétique réagencement/remembrement/réactivation de notes prises au cours de tes activités funéraires, mises en regard avec une pratique artistique et sa propre crise.
Tout cela, je voulais juste te dire que ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
À une prochaine ici ou là (sans date)
Yves

Un an après, je suis allé déposer moi-même les épreuves corrigées au comptoir de Gallimard, et il m’a rejoint au café L’Espérance à l’angle de la rue de Beaune et de la rue de l’Université.
Quelle histoire ! Si on m’avait dit qu’un jour…Tout cela me rend de l’énergie, pas mécontent que cette sortie ait lieu à l’âge que j’ai aujourd’hui – aucune envie de passer à côté. Le sentiment de me redresser. À l’injonction de rester vertical, je réponds avec entrain.
Tout arrive et tout arrive en même temps, disait l’ami Robert Filliou, lui qui tenait tant à réhabiliter les Génies de Café et ne cherchait pas à rentabiliser son talent.

Après tout, l’art est ce que les artistes en font, et nous tous écrivons, peignons, composons, aimons, jouons, etc., parce nous savons le faire. Ce que je veux dire c’est que nous ne sommes pas seuls. Nos buts sont fondamentalement ceux de tout le monde. Les défaites de tout le monde sont aussi les nôtres. Pour moi, celui qui au moins m’aide à vaincre le pire est mon ami, s’il le désire.

Aussi y a-t-il de l’amitié à travailler avec des éditeurs comme Jeanne Guyon et Yves Pagès. Rien que le fait de savoir que des gens comme eux existent et ont la possibilité de manœuvrer dans le monde de l’édition, cela me rend heureux. Je ne sais pas si cela existe dans le monde de l’art.

Pour celles et ceux qui sont à Paris dans les semaines à venir, plusieurs événements accompagneront la sortie du livre. Le premier se déroulera le jeudi 14 octobre à 20h au Générateur - 16, rue Charles frérot à Gentilly : lecture-performance suivie d’une séance de signature-dédicace.
https://legenerateur.com/spectacle/vide-sanitaire/
Et le samedi 16 octobre, rendez-vous à 11h au Générateur pour une virée en hétérotopie - au cimetière de Gentilly et ses abords :
https://legenerateur.com/spectacle/promenades-durif-2/

6 octobre 2021
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