À propos de ma nouvelle pièce, Le Jour qu’on attend

La genèse de ce texte emprunte des chemins d’écriture singuliers, fruit d’expériences particulièrement intenses pour moi.
En effet, après les fameuses émeutes de l’automne 2005, j’ai bénéficié d’une résidence d’auteur àClichy-sous-Bois [1]. Me trottent encore dans la tête des images de voitures s’embrasant dans la nuit, les paroles d’émeutiers, de politiques, de notables, de flics, de détenus [2], de vieux et de jeunes rencontrés sur place.

À l’origine de ce genre d’explosion il y a généralement un contrôle.
Un contrôle perdu pourrait-on dire, jusqu’àla mort, suivit d’un déchaînement destructeur laissant dans les mémoires l’image de dégâts fumants au petit jour. L’impression désagréable d’être embarqués dans un autocar lancé àtoute pompe dans les anfractuosités du monde, l’angoisse s’infiltre dans nos tripes comme un ver, nous nous observons en chiens de faïence, nous nous demandons qui a les clefs pour stopper la machine tandis que nous frôlons le gouffre vertigineux.
Pourtant j’ai des valeurs, non ?
J’ai des valeurs, putain… dit un des personnages de la pièce.

Oui mais lesquelles ?

Mon travail d’écriture m’a donc conduit àarpenter des territoires réputés difficiles (zones de « non-droit  » comme disent les observateurs) : prisons, hôpitaux psychiatriques, cités improbables et enclavées, poubelles délétères de notre société.
En réalité, ici comme ailleurs je n’ai rencontré qu’une « valeur  » véritablement commune àtous les milieux, du haut en bas de l’échelle sociale. Valeur refuge, valeur qui étalonne tous les espaces, toutes les classes, valeur montante, valeur mondiale.
La valeur des valeurs pourrait-on dire : la violence.
Notre monde, dans sa généralité, est bâti sur une poudrière.
Du 11-Septembre au coup de boule de Zidane, de Gaza au krach boursier, du salon de l’agriculture au narcotrafic (j’en passe et des meilleures), la violence déferle devant nos yeux éberlués et nous pénètre insidieusement.
Comme une éruption sur la peau signale un mal profond, la communauté des hommes est secouée par des pulsions dévastatrices de domination, d’humiliation, de haine et de destruction de l’autre, de soi, de l’environnement, de tout.
Notre temps est celui de la démolition systématique et les ondes de choc de ces coups de butoirs font trembler nos rêves.

Le Jour qu’on attend met en scène cinq personnages engagés sur une planche savonneuse. Dérapant, embarqués dans cette avalanche comme dit l’un d’entre eux, ils ne savent plus àquoi s’accrocher.

Et l’amour ? demande la jeune femme.
Qui peut l’entendre ?...
On la croit folle.


Le Jour qu’on attend sera lu le lundi 15 novembre 2010 à18h30 au théâtre Romain-Rolland, 18 rue Eugène-Varlin 94800 Villejuif, métro : Paul-Vaillant-Couturier, tél. 01 49 58 17 17

Avec Anne Alvaro, Baptiste Amann, Sarajeanne Drillaud, François Lalande, Yohann Pisiou,
avec la complicité de Kemso du Ghetto Satr 101.
Lecture dirigée par l’auteur, assistée par Alice Varenne.

20 septembre 2010
T T+

[1Dispositif « Ã‰crivains en Seine-Saint-Denis  » 2008/09 (La Parabole de l’ange, éd. Textuel 2008).

[2Écriture et mise en scène avec les détenus de la maison d’arrêt de Villepinte (automne 08 / été 09).