Carlos Drummond de Andrade|La machine du monde

Lire Carlos Drummond de Andrade c’est faire l’expérience d’une déperdition heureuse, recommencer, comme on se relève malgré l’épuisement, en s’adossant au mur, le voyage entre le déjà-été et le ne-sera-pas. Tout repose sur l’accompli écrivait Thierry Metz, l’accompli déplace la mort pourrait répondre Carlos de Andrade.

À quoi bon si les ongles
ça pousse tout le temps ?
Si ça devient tout noir
d’avoir tant tripoté
la terre et la poussière ?

L’humanité se tord dans le noir, ou célèbre l’aurore, selon qu’on regarde ses yeux ou ses mains, elle s’élance, cherche et trouve le niveau le plus élémentaire de la vie, la strate la plus profonde, la terre la plus ancienne, mais aussi la plus proche de l’origine, la parole la plus jeune. Cette voix bondit, effaçant ses traces derrière elle, perdant ses repères, comme si chaque mot dit ne devait l’être qu’une fois sous peine de trahir. La coulée de la voix, comme le fleuve d’Héraclite, nous emporte, nous noie, nous disperse dans l’infime, nous rassemble infiniment.

Je m’éveille pour la mort

Que dire après ça ?

Carlos Drummond de Andrade, La machine du monde, traduit du portugais (Brésil) par Didier Lamaison, Poésie/Gallimard 2005

11 février 2006
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