Cécile Wajsbrot | Survie en milieu hostile 9
INTERDIT DE TRAVERSER LES VOIES
Qu’est-ce que la Suisse ou plutôt, la Suisse existe-t-elle ? La question peut sembler abstraite mais se pose pourtant dans la vie de tous les jours. Par exemple à la gare de Lenzburg, on peut trouver le Neue Zürcher Zeitung, les journaux de la Suisse alémanique, les journaux allemands, aussi, mais aucun de la Suisse romande. Dans la Neue Zürcher Zeitung, une référence dans le domaine politique et culturel, il y a les programmes de la télévision suisse alémanique, de la télévision allemande, autrichienne, mais la télévision suisse francophone n’apparaît que reléguée dans un coin, quand à l’italienne, elle est carrément absente – sans parler de la chaîne rhéto-romane. Même la météo, sur la radio suisse romande, ne dépasse pas les limites de la zone francophone. La frontière linguistique semble beaucoup plus étanche que la frontière territoriale. Les alémaniques regardent vers Vienne ou Berlin, les francophones vers Paris et les italianophones vers Rome. Avec tant de regards divergents, comment fait-on exister un pays ?
Récemment, une votation – une de plus – dans le canton de l’Aargau, celui où se trouve Lenzburg, interdisait, comme c’est déjà le cas dans le canton de Zurich – l’usage de l’allemand au kindergarten, l’équivalent de l’école maternelle. Les instituteurs ne devront désormais parler que le dialecte, le schwiizerdütsch alors que jusqu’à présent, les deux langues étaient utilisées indifféremment. Dans la suite du cursus scolaire, seul l’allemand a droit de cité – du moins pour l’instant. Et sauf exceptions, les contes pour enfants, ou les dessins animés, n’existent qu’en allemand. Les enfants sont de toute façon imprégnés de la langue allemande. Et puis, il ne faut pas croire que le dialecte de Zurich soit le même que celui d’Aarau, qui n’est lui-même pas celui de Berne. Pour un même mot on peut relever une bonne dizaine de formes. Si bien que s’est créé aussi une sorte de dialecte moyen standard, interrégional, en quelque sorte, qui permet d’unifier un minimum la langue, même si la prononciation diffère un peu.
Après se pose la question de la deuxième langue car depuis quelque temps, les initiatives se multiplient pour diminuer le nombre de langues à enseigner, à l’école primaire, et la préférence, dans les cantons alémaniques, va nettement à l’anglais plutôt qu’au français, si bien qu’il n’est pas rare que les Suisses venant de cantons linguistiques différents aient seulement l’anglais pour langue commune. Certes, sur les conditionnements des aliments et dans les gares figurent des instructions dans les trois langues. Überschreiten der Gleise verboten. Interdit de traverser les voies. Vietato attraversare i binari. Et selon la langue parlée dans le canton où on se trouve, l’ordre est modifié. Mais ne pas oublier le quatrième avertissement : Do not cross the railway lines. Les voitures de la poste portent alternativement des inscriptions dans l’une des trois langues. C’est tantôt die Post, tantôt la Poste et tantôt la Posta. Et puis, la boulangère de Lenzburg a fait quelques mois d’études à Paris et parle un français parfait. Mais ce sont apparemment les vestiges d’un monde en train – c’est le cas de le dire - de disparaître. Bientôt, il sera peut-être non pas interdit mais impossible de traverser les voies linguistiques…
Récemment, une votation – une de plus – dans le canton de l’Aargau, celui où se trouve Lenzburg, interdisait, comme c’est déjà le cas dans le canton de Zurich – l’usage de l’allemand au kindergarten, l’équivalent de l’école maternelle. Les instituteurs ne devront désormais parler que le dialecte, le schwiizerdütsch alors que jusqu’à présent, les deux langues étaient utilisées indifféremment. Dans la suite du cursus scolaire, seul l’allemand a droit de cité – du moins pour l’instant. Et sauf exceptions, les contes pour enfants, ou les dessins animés, n’existent qu’en allemand. Les enfants sont de toute façon imprégnés de la langue allemande. Et puis, il ne faut pas croire que le dialecte de Zurich soit le même que celui d’Aarau, qui n’est lui-même pas celui de Berne. Pour un même mot on peut relever une bonne dizaine de formes. Si bien que s’est créé aussi une sorte de dialecte moyen standard, interrégional, en quelque sorte, qui permet d’unifier un minimum la langue, même si la prononciation diffère un peu.
Après se pose la question de la deuxième langue car depuis quelque temps, les initiatives se multiplient pour diminuer le nombre de langues à enseigner, à l’école primaire, et la préférence, dans les cantons alémaniques, va nettement à l’anglais plutôt qu’au français, si bien qu’il n’est pas rare que les Suisses venant de cantons linguistiques différents aient seulement l’anglais pour langue commune. Certes, sur les conditionnements des aliments et dans les gares figurent des instructions dans les trois langues. Überschreiten der Gleise verboten. Interdit de traverser les voies. Vietato attraversare i binari. Et selon la langue parlée dans le canton où on se trouve, l’ordre est modifié. Mais ne pas oublier le quatrième avertissement : Do not cross the railway lines. Les voitures de la poste portent alternativement des inscriptions dans l’une des trois langues. C’est tantôt die Post, tantôt la Poste et tantôt la Posta. Et puis, la boulangère de Lenzburg a fait quelques mois d’études à Paris et parle un français parfait. Mais ce sont apparemment les vestiges d’un monde en train – c’est le cas de le dire - de disparaître. Bientôt, il sera peut-être non pas interdit mais impossible de traverser les voies linguistiques…
23 juin 2014