Daniel Dobbels et l’Ortie à Rennes

Né en 1947, Daniel Dobbels suit des études de lettres qui le conduisent à la pratique du mime et de la danse contemporaine. Dès 1976, il danse pour Susan Buirge, Alex Witzman-Anaya et Christine Gérard. Il crée ses premières chorégraphies en collaboration avec Maïté Fossen, François Verret et Christine Gérard, puis au sein d’Arcor, des pièces qu’il signe seul : Noli me tangere (1985), Sans Connaissance (1986), L’Enfer (1987), L’absence d’écho (1988), Et le ciel reste intact (1990), etc...

Après avoir fondé la revue Empreintes, écrits sur la danse (1977), il assure les fonctions de critique d’art à Libération (1982-1992), de chroniqueur au Panorama de France Culture (1987-1997) et publie de nombreux ouvrages sur l’art et la danse. En 1987, il entre au comité de rédaction de la revue Lignes (1987-1999).

Il développe un champ de recherche sur la danse contemporaine par le biais de conférences ou d’actions. Depuis 2003, il participe à l’émission Tout arrive sur France Culture.

Entre 2000 et 2003, dans le cadre de la compagnie De l’Entre-Deux, il crée D’un jour à l’autre, suite irrégulière de danses déclinant chacune une modalité du temps. Il reprend aussi les pièces L’Enfer, Est-ce-que ce qui est loin s’éloigne de l’être humain ? sur Oskar Schlemmer et She never stumbles, solo dansé par Brigitte Asselineau. En 2004, il crée Ni/Et, approche chorégraphique de l’oeuvre de Morton Feldman et 10’.

Bibliographie sélective : Fulgurances : photographies de danse de Marion-Valentine, Cinq continents, 2004 ; Nicolas De Stael, Hazan, 2000 ; Solitudes, Joca Seria, 1996 ; Brueghel, Maeght, 1994 ; A tous deux inconnu, Actes sud, 1988


Daniel Dobbels, auteur, philosophe et chorégraphe, est généralement lu pour ses textes d’accompagnement, de réflexion critique autour des œuvres picturales et chorégraphiques.

Ici, il nous livre, à la croisée de ses deux pratiques, chorégraphiques et littéraires, en écho l’une - l’autre, un moment et un espace où le texte prend corps.
Un texte matrice, comme posé sur le papier dans une urgence, un texte de 600 pages dont l’auteur, dans un rapport au corps qui n’est pas sans rappeler sa position de danseur, nous donne l’intégralité entre 19h et 2h du matin.
Plusieurs heures de lecture nous attendent donc, l’auditeur s’enfonce dans la langue et la voix de l’auteur, une imprégnation seulement interrompue par la gorgée d’eau, de café, le tabac peut-être.

Un dispositif de multi-diffusion permettra à la voix de l’auteur d’emplir l’espace, plongeant l’auditeur au cœur de la matière sonore et littéraire.

Petites tables, fauteuils et canapés seront installés pour aborder cette nuit poétique dans les meilleures conditions et accompagner Daniel Dobbels au bout de sa langue.

« Il ne s’agira ni d’une lecture de texte publique ni d’une performance, ni il faut l’espérer, de quoique que ce soit d’approchant.
Une lecture faite à voix haute s’enregistre.
Ne pouvant être perdue - même si en elle un engagement se prend dont on pressent qu’il est éperdu - elle renonce à toute idée d’intimité jalouse.
Passant - même si elle doit durer probablement de longues heures d’affilée - elle n’interdit pas, que sur ses marges, sur ses côtés, des témoins discrets ou distraits, attentifs ou impatients, silencieusement irrités ou prêts, peut-être, à s’y abandonner, l’accompagnent. Induisant par leur présence, en quelque sorte indirecte, des seuils de tolérance, pressentant aussi d’autres textes, d’autres voix, d’autres états de corps, multipliant silencieusement la lecture. »

 [1]

ortie noire
sur le cœur

lacérante

scie

fiévreuse
et noire

pluie
verte et noire

si
douce
au dehors

il ne reverra
plus
le jour

soumis
à ce jour

au bord
de ce qui
ne se vit pas

de ce vice
de forme
forcé

ortie
insectée

âcre
âcreuse

L’ortie (extrait)


« Dans l’art ce qui fait peur ce sont les gens qui passent »

Il suffirait qu’une parole soit surdite, trop prononcée, pour qu’une certaine surdité s’installe et que la peur passe, envahissante, indue. Cette lecture de L’Ortie ne répond à aucune commande comme à aucun commandement ; un temps m’a été proposé, non réglé à priori, libre de toute contrainte implicite, il a tout de suite exposé à cette sorte de mise en abîme où la puissance non qualifiable de ce texte imposera son rythme, ses syncopes et ses ellipses, ses apnées ou ses accélérations, ses rétractions et ses répétitions, ses spirales exténuantes, ses plages d’effacement, son refus de la scène, ses emportements dévorants et presque insensibles, son indifférence à l’égard de celui qui s’en fera le lecteur à haute voix, sujet à toutes les inconsciences. Ce lecteur n’est peut-être que l’autre face d’un auteur dérouté, pris à un jeu d’identités insignifiant en l’occurrence. L’un et l’autre, non pris en compte, ont juste à tracer le dessin vocal d’une trame étrangement trouée mais non décousue. Pas même de case d’échiquier pour assurer le coup suivant. Le mat ne marque pas une fin de partie. Seule attente : que la matité des heures, soutenant la nuit du texte, laisse transparaître la matinée d’un autre jour. L’art (s’il y a lieu d’être ici) dirait oui aux passants, seule promesse qu’il faut bien essayer de tenir ou de porter.
Daniel Dobbels

Pour de plus amples informations : le site du Triangle

19 octobre 2005
T T+

[1Daniel Dobbels