Démolir Etayer Découvrir
En bas, l’arc arrondi d’une ancienne porte se découpe, dégagée des marques d’abandon, sobre soudain, humble et noble dans son dessin.
Sous la pluie, immobile dans le jardin, me viennent les images de ces dernières années, tout ce qui change, tout ce qui s’écroule dans la peur. Puis la liberté.
Etayer, soutenir, consolider, supporter, démonter ; croix-de-saint-andré, contreventement, chainage, charpente, ferme, échafaudage, hors d’eau, hors d’air.
Nids d’hirondelles.
Le maçon et le charpentier cherchent des solutions. L’architecte pose les questions, rappelle les contraintes et les dates. Il faut soutenir une charpente ancienne et lourde, très lourde, et ne pas détruire les nids d’hirondelles. C’est comme écrire. Penser toujours à la structure générale, et veiller à la virgule qui changerait tout le sens du livre si on la négligeait. To be or not, to be, that is the question n’est pas "To be or not to be, that is the question". C’est une histoire de vie et de mort.
Faîtage, charpente, bâti, murs, passage, échelle, méthode, poids. Réécrire un texte ancien. Rappeler ses charmes et ses trouvailles, mais l’écrire aujourd’hui, convier sa modernité et garder le génie de la voix et le caché des sous-textes, pourtant le ramener à nous sans nostalgie mais en bondissant à partir de ce qu’il a de virtuose et futé. Construire, non pas reconstruire, mais inventer à partir du bâti, éliminer les appendices inélégants, en revenir au cœur, mais inventer encore.
Et tenir dans le temps imparti.
Le maçon et le charpentier cherchent. Espace et temps. Voilà l’équation. Solution partielle : mouvement. Mais lequel ? Trouver le bon mouvement. Comme dans la vie.
La pluie toujours, pas une lumière sur Saint-Florent. La Loire grossit et enfle jusqu’aux rives. Les vaches ne descendent plus boire sur le sable. J’ai froid. Dans quelques jours, je dormirai à Sabra ; et cette pensée produit une chaleur en moi. Gravats, murs, effondrer, reconstruire, poussière, soutenir, étayer, passages, poids, en revenir au cœur.
Et j’ai soudain l’image de cette photo de Julien Gracq où il fait un signe de la main en souriant.