Disparition de Werner Kofler

Laurent Margantin nous apprend la disparition de Werner Kofler.

Nous relayons sa mise en ligne d’un bel article consacré à cet auteur qu’il avait rencontré en 2010, article paru il y a quelques semaines dans la Quinzaine littéraire - voir extrait et lien ci-dessous.

On peut lire et télécharger sur œuvres ouvertes plusieurs textes de Werner Kofler : Les Urbanz, ainsi que trois autres textes extraits de différentes œuvres, tous traduits par Bernard Banoun.

"Pas de narration au sens classique du terme chez Kofler, mais un montage qui parodie les techniques cinématographiques (« Mais tiens donc, changement de plan : appartement, intérieur, petit matin » ; « la caméra légère pivote »). Il est aussi question d’un appareil que l’on met en marche (mais qui ? le narrateur ayant disparu pour laisser la place à des voix multiples), appareil est au cœur des récits de Kofler, qui multiplie les perspectives et les allusions. Du cœur de l’amnésie surgissent en effet des images difficiles à décrypter, des noms que l’appareil de notes réalisé par le traducteur nous permet d’identifier : plusieurs sont ceux de criminels nazis d’origine autrichienne, parmi lesquels Coldewey, caporal-chef SS qui s’improvisa « dentiste » à Buchenwald, un tortionnaire donc. Sous l’effet des drogues et de l’alcool, l’amnésie de l’assassin de l’Hôtel Clair de Crime ne cesse de pointer vers les abîmes de la mémoire autrichienne…

J’ai donc en face de moi, à Vienne, un maître de l’allusion. Peu bavard, certes, mais capable, comme dans ses récits, de distiller quelques informations sur ce qui est au cœur de sa propre écriture : le cinéma et l’art du montage, mais aussi l’œuvre de Beckett, et en particulier Molloy  : « J’ai commencé à comprendre en le relisant à partir de la deuxième partie », me dit-il. Il en est de même avec Hôtel Clair de Crime et ses autres récits : il faut les relire, les reprendre pour pouvoir, peu à peu, en dénouer quelques fils noués ensemble de manière très complexe.

Werner Kofler me parle encore d’une prochaine édition critique de ses œuvres, d’un voyage en France (Tours, Paris) dans l’espoir sans doute, comme Bernhard jadis, de contourner l’incompréhension du public autrichien. Il m’enverra son nouveau livre, intitulé Zu spät, « trop tard ».

Kofler a une soixantaine d’années et est l’auteur d’une œuvre capitale : il n’est pas trop tard pour la découvrir et la faire connaître d’un public plus large, pour lui apporter aussi la reconnaissance critique qu’elle mérite. (Laurent Margantin)"

9 décembre 2011
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