Du nerf !

« C’est certainement un afflux sanguin, une dilatation des coronaires, une secousse sismique au niveau du bassin, une décrispation de la moelle épinière, un craquement de cartilage, une génuflexion quia vu naître la revue du nerf. Je ne sais pas.
Je crois que c’est bien plus simple que cela. Il n’y avait aucune raison pour que la revue du nerf n’existe pas. Alors. La voici.
C’est bien mieux comme ça.

Tous les gens regroupés en son sein n’avaient pas besoin d’un crayon. Toutes ces personnes qui gesticulent en elles-mêmes. On les voit marcher dans la rue, se dépêcher de faire une course. On les voit tourner en rond dans leur appartement, dans le jardin, près du poulailler. On les voit au bord de la mer, le vent dans la figure et le moment présent. On les voit, et le crayon pas très loin, juste là, posé sur la table - et ça n’a rien de très poétique, de très extraordinaire, c’est très humain. On les voit piétiner dans la cuisine, gigoter sur leur chaise.
Écrire.

(...)
Toutes réunies par un même et seul préalable : l’écriture (d’où le sous-titre) au sens le plus large possible. Peu importe où ça mènera. Ils disent qu’ils se moquent des profondeurs, seules les amusent les rencontres des mots. Si elles débouchent sur des gouffres ils n’y sont pour rien. Ou bien. L’attrait des profondeurs leur fait assembler des mots qui ne demandaient qu’à les voir trembler. »

Du nerf, alors. Un bien beau titre de revue que celui-ci, comme en complément-force des ateliers du vent, libre officine d’artistes sise à Rennes depuis 1996, dont Régis Guigand, aiguilleur du nerf est un membre (hyper)actif depuis l’origine. Il faudrait dériver, dire quelques mots (les chercher) de ce que furent, sont et seront les ateliers, de leur aptitude à la chaleur dans l’inconfort (des vertus aussi de cet inconfort) - on se contentera de vous conseiller d’y aller faire un, deux, trois tours sur vous-même.

Lire du nerf, c’est tout de suite, je me permets d’insister : car, on en sait ici et ailleurs quelque chose, c’est tôt qu’il convient de soutenir ces bourgeons-là, ces émergences, ces gestes, ces trucs qui sortent d’ateliers. Vifs et bizarrement foutus.
(« Une revue c’est un terrain de jeu, d’expérimentation, d’écritures partagées, à partager. Une revue c’est fait pour ça. »)
Parce qu’ils sont jeunes, parce qu’on ne les connaît pas (Régis Guigand lui-même connaît peu de ses hôtes en ce premier volume), il faut, c’est un principe, les accueillir. Mais aussi, mais d’abord, parce qu’il y a dedans ça du nerf, autrement dit : de l’emportement, de l’excès, des trucs qui collent mal ou pas ensemble, qui peuvent pas (texte criard ou trop contenu, de ci, de là). Des taches et des ratures. Et des moments (les belles constructions en écho de Cécile Richard par exemple). C’est en friche, en joie. Tout juste pourra-t-on reprocher à ce premier numéro le léger écart entre sa grande exigence et compacité graphique la disparité entre les textes - mais c’est la loi du genre, en somme. C’est en regard sur le labo, les effluves, la sueur, les ratures,les cheveux grattés jusqu’au cuir, le crayon mordillé jusqu’à la mine, que du nerf opère : une trace du mouvement corps-esprit vers la page, que la revue s’acharne à poser : l’objet est beau, aussi, et s’attache à ce qu’il y ait à voir (quelques pages de bd par Nylso, mention spéciale aux brouillons manuscrits de Marc Perrin).
Du nerf, alors, encore - c’est maintenant qu’il en faut, car on attend la suite.

« Il dit qu’il se moque des profondeurs, seules l’amusent les rencontres de mots. Si elles débouchent sur des gouffres il n’y est pour rien.
Ou bien.
L’attrait des profondeurs lui fait assembler des mots qui ne demandaient qu’à le voir trembler.( »Robert Pinget) - c’est en exergue, sur la quatrième : et quand Robert Pinget fait signe, c’est toujours bon signe.

Du nerf est disponible pour 15 euros ; l’abonnement pour un an (deux numéros) pour 40 euros, à :
du nerf, 6A rue Quineleu 35000 Rennes
Ou bien, contactez :
la revue du nerf

14 juin 2005
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