Fictions beyrouthines et autres citadines (13)
XIII
Une grande paix inonde Lisa et elle murmure ensemble, ensemble, ensemble dans le taxi de retour à Beyrouth. Elle ne sait pas si elle a vu le Christ ou Gandhi, là dans le lit de l’hôpital. Shérine pleure parce que Grégoire lui a dit qu’il faut oublier le passé. La mort est toute proche. On sait qu’elle arrive. On a pleuré bien avant, longtemps, des larmes venues de très loin.
Comment tenir une main qui va mourir ?
Dimanche, Shérine et Lisa ont rejoint la manifestation pour la laïcité. Elles ont marché du musée jusqu’au parlement dans le soleil d’avril. C’était joyeux tout le long de la ligne de démarcation. Elles déambulaient entre l’amour et la mort. Comme toujours. Mais là, plus fort, plus vite. Les lauriers roses et les murs de la fac de médecine ne semblaient pas se souvenir des combats. Samir et Georges les ont retrouvées vers Sodeco. Il y avait une pointe de joie dans l’air, une lumière incongrue et riche, du bleu sur l’ocre des immeubles, même Beit Beyrouth semblait effacer ses impacts un instant parce que le soleil s’arrangeait juste une minute pour éblouir le pays.
Maintenant dans le taxi, la musique raconte des histoires anodines. Lisa s’apprête pour une guerre. Quelquefois elle sent une grande froideur en elle. Mais dans le soir, si elle descend vers la mer, elle a envie de toute la naïveté du monde.
Comment tenir une main qu’on aime et qui refroidit ?