Milène Tournier | Je t’aime comme...

Dans la série vidéos « Je t’aime comme », je tente d’établir une sorte d’amourgraphie. Je voudrais, dans chaque capsule vidéo, épouser et épuiser le tout-ordinaire d’un lieu dans la ville, en le regardant avec les yeux de l’amour transi : je t’aime comme un cimetière, comme une mairie, comme un parc, une bibliothèque, une pharmacie…

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Du topos de la déclaration d’amour, j’ai souhaité surtout préserver l’acte étrange, sublime, de la déclaration -non seulement aimer mais le dire- et dans son versant le plus excessif, dès lors que « je t’aime » masque un « j’aime tout ».

J’ai aimé tard, dans ma vie. Je veux dire : c’est tardivement (donc récemment, en fait !) que je me suis mise à aimer. Aimer de vraiment amour. Sans doute y avait-il de l’amour en tas, qui patientait ses hordes derrière, et qu’il a bien fallu sortir, mais discrètement aussi dévier, pour que, sans accabler un seul, il se répande sur la ville toute.

Je t’aime.

Je t’aime comme.

Comme un hôtel de nuit, comme un fast food, un cimetière, un hôpital, comme une laverie, comme les mannequins des vitrines et comme une salle d’attente...

J’ai souhaité, à trop aimer tout, vider « aimer » et vider « comme ». Pour que ne surnage que cette déclaration d’un amour étrange, qui laisse tout le temps à celle qui aime de marcher, filmer et le dire, et sans qu’on sache alors où, pendant tout ce temps, se trouve celui censé en être le destinataire.

J’ai souhaité me faire l’amoureuse, qui regarde les villes avec cette tendresse qui fera aimer tout de l’autre, tares ou détails. C’est difficile de prendre une ville dans ses bras. J’ai voulu patiemment la décomposer, en pour l’instant 140 vidéos de une à cinq minutes, et chaque fois m’éprendre d’un de ses fragments.

Parce que les villes sont inépuisables, si pas l’amour.

Ici, un "je t’aime comme" dans lequel apparaissent les nouveaux bâtiments de la région IDF, à Saint Ouen :

29 juin 2020
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