Je rêverais d’un Président
Je rêverais d’un Président qui aurait beaucoup lu. Il aurait lu Héraclite, Platon, Montaigne, Saint-Simon, Chateaubriand. Il aimerait les œuvres d’Hélène Cixous, de Julien Gracq, d’Henry Bauchau. Il connaîtrait aussi la pensée de Derrida, d’André Gorz, de Bourdieu. Il aurait mené depuis longtemps une vraie réflexion sur la complexité des rapports sociaux et économiques, et ses idées trouveraient leur chemin dans une action politique où le souci de l’Autre serait central. Il écrirait lui-même ses discours, qui auraient la puissance et l’humilité de la littérature. Il aimerait également les chansons de Joe Dassin et les films d’Abbas Kiarostami.
Il ne serait pas marié mais vivrait depuis de nombreuses années avec une personne qui aurait été militante féministe. Elle ressemblerait à Gina Rowland ou à Angela Davis. Elle serait institutrice dans une école de Zep en banlieue parisienne. Elle n’aurait pas quitté son poste après l’élection de son compagnon et ne participerait aux voyages officiels que lorsqu’ils coïncideraient avec les congés scolaires.
Après son accession à la présidence, il aurait fait retraite « pour habiter la fonction » au coeur d’une chartreuse, dans le silence et la méditation, partageant la vie ascétique des religieux. Et pour les vacances de Noël et de Nouvel an, il serait pour le moment à Berck-Plage, dans la famille de sa compagne. Ils auraient loué un gîte de France 2 épis, donnant sur la mer d’opale. On l’aurait vu aller serrer la main des gens du bar-tabac du coin, et sourire en écoutant un air de bienvenue que lui aurait joué la fanfare locale.
Ce rêve ne se réalisera pas, pas avant cinq ans, sans doute jamais. Et puis si c’était une femme ? Ce que c’est que l’utopie...