L’esthétique de la résistance, roman, le journal des lectures, troisième série
Vendredi 17 mars - Le point final, l’immuable, son œuvre ne devait pas le redouter
Invité quelques jours à La Roche-sur-Yon par Cathie Barreau et Guénaël Boutouillet de la Maison Gueffier, avec halte à la Maison de la poésie de Nantes, je terminerai cette semaine de rencontre par la lecture continuée du roman de Peter Weiss, vendredi à 19h30, dans "La très petite librairie" de Laurence Neveu à Clisson.
Ce vendredi soir, trois épisodes successifs, l’affrontement de la mort et de l’espoir persistant : l’asservissement de la Tchécoslovaquie par Hitler, l’angoisse d’y savoir ses parents, ne pouvoir les aider, le concours des pays démocratiques aux coups de force nazis ; la rencontre avec un tableau de Géricault, deux têtes de guillotinés, un homme et une femme, tournées l’une vers l’autre et qui font revenir ses souvenirs de Paris, d’une gravure de Meryon qu’il a copiée, de quelques vers de Dante qui contenaient tout l’abandon, tout l’exil du monde ; les retrouvailles avec son ami le médecin Hodann, plus critique que jamais à l’égard de Staline et du Parti qui lui est soumis, et qui décrit la conséquence de toute critique : le dénigrement et l’exécution - Hodann tourné vers de nouveaux projets de recherche.
C’est la contemplation assidue, répétée, des œuvres d’art qui donne des clés, qui relance les questions :
La fascination que la mort avait exercée sur lui [Géricault] correspondait à son besoin de se mesurer à l’instant où tout est fini. Je commençai à comprendre pourquoi il avait besoin de ce pôle opposé à son activité. Ce qu’il mettait ainsi à l’épreuve, c’était son besoin de vérité. Le point final, l’immuable, son œuvre ne devait pas le redouter. Devant les morts s’effritait en lui tout résidu de vanité et d’illusion sur lui-même.