L’étang



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(Un texte produit dans cet atelier animé par Cathie Barreau)

L’étang

L’étang immobile distillait un parfum de giroflées mêlé d’eau croupie .Le chien assis sur ses pattes arrières, observait la surface lisse troublée par d’arachnéennes arabesques indéfiniment redessinées.
L’envie d’une tempête, que tout se déchaîne, s’envole.
François est comme un grand vent qui menace qui agace .Quand il arrive tout s’agite, quand il part, je reste échevelée sur le seuil de ma vie immobile.
Prés du feu, le visage illuminé par les flammes .Muet .Mystérieux comme un tableau.
-« Tu penses ?  » Je n’attend pas de réponse Il est là.
Le long de lui, je perçois la chaleur du feu .Le chien est étrange, nous nous contemplons perplexe, il tourne en rond, cherche une place, fini par se laisser tomber dans un grand soupir , le regard accusateur .
Nous mangeons, le bruit des couverts souligne le silence.
Les draps sont froids, ils enlacent des gisants dont l’éternelle présence me ravie. Dans mon rêve je vais me noyer .Ce matin, l’arrondi de sa joue se veloute au soleil, la pièce en est pleine. Mes doigts jouent avec la poussière lumineuse, insaisissable.
Sortir…La main dans la mienne, je marche vers le presbytère .Les bruyères sèches sous mes pas, brusquement je pétille.
-« Sautons François, laissons nous soulever de bonheur.  »
Ma mère est làplus tard.
-« Il faut vivre, continuer, oublier.  »
Tout va bien, je suis vivante, nous sommes ensemble hors la vie hors les autres .Le délitement n’est pas pour nous.
La boulangerie était pleine d’odeurs que les pâtisseries démentaient .J’ai pris des chouchous pour les respirer, rien ne change.
Repas entre amis ; bruits, couleurs .Ou es tu ? L’atmosphère est comme saturée .Suspendue dans un champ de coton, tout est doux et sans relief. Je flotte.
-« Comment vas tu ?  »
-« Très bien, François est très heureux ce soir.  »
Les chaises se poussent, les visages se frôlent pour adoucir les mots qu’il faut bien dire pour partir.
Nous voilàensemble dans cette solitude surhumaine, ta présence est descendue sur moi comme un dais glacé.
Ce matin, des fougères entremêlées autour de l’étang, le chien a ramené fièrement une chaussure, dérisoire avec ses lacets inutiles .Lentement avec d’infinis précautions, je l’ai tenu contre moi.
C’est un corps lourd, gonflé, le visage comme effacé mais j’ai reconnu le vent.


Odile Michel

13 avril 2010
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