L’instant n’en finit pas

Patrick Neu,
sans titre, 2011, miroir, bois, diam. 86 cm.

Exposition Patrick Neu
Galerie Marion Meyer Contemporain
http://www.marionmeyercontemporain.com/
3 rue des Trois Portes, Paris, 75005.
Jusqu’au 26 février 2011.

Remerciements à Jean-François Dumont
pour
toutes les images de cette chronique :
photographies© Clément Darrasse

Œuvres de Patrick Neu
de haut en bas, ci-dessous :

Sans titre, 2006-2010, 400 x 120 x 80 cm, cristal, lustre de Saint-Louis, os.
Sans titre, 2004, cristal (Saint-Louis), 65 x 60 x 30 cm.
Os, 2010, hauteur 20 cm.
Agate, 2004, cristal de Saint-Louis, diam. 10 cm.

« L’instant n’en finit pas » dit PIERRE BEQUET qui n’a rien dit depuis longtemps.

Dans une petite rue noire et glissante, PIERRE BEQUET attend. Il pleut, un peu mais sans cesse. Les yeux fixes et éblouis par le cristal d’une lampe dans l’angle aveugle d’une baie vitrée, il ne voit pas passer deux ou trois hommes et un cheval monté sur une planche à roulettes. Il est seul avec un bruit de varlope dans la tête. La femme prend son temps.

Un Chevalier Inexistant sort de la maison de la femme. Son armure de cristal éblouit la rue, recouvre d’un masque le visage de PIERRE BEQUET et métamorphose en Dragon un homme qui passe. La femme cachée dans une encoignure à la bordure d’elle-même et du courant d’air mesure la dilatation du temps et pèse la gravité de l’instant. PIERRE BEQUET terrasse le Dragon.

Du fond de l’abîme de cristal qui lui sert de maison de passe une parole touche une planche.

TOUTE LA MATIÉRE REPOSE SUR LA PAROLE

La varlope opère sur le corps de PIERRE BEQUET un phénomène fidèle à son origine mais inversé. Planche dressée contre le mur de l’atelier, au milieu d’un tas de copeaux balayé dans un coin, il répand le parfum résineux d’un bois fraichement corroyé. Dans la mandorle des bras du menuisier, il est touché jusqu’à l’os. La langue d’un riflard libère la puissance contenue dans toute la matière ligneuse. Le fer s’obstine quand un nœud embrouille le glissant et que la matière résiste. À la fin l’os recouvre l’Origine du monde.

LE BON DIEU EST DANS LES DÉTAILS

À l’intérieur de l’habitation, touché par l’origine, PIERRE BEQUET "déshadhère" au monde et s’élève comme une colonne de verre dans la durée propre à ce qui finit. Avec une loupe en forme de crâne, la femme grossit l’instant du mouvement qui conduit la matière à devenir cristal. Une bille roule sur le plancher et éclate contre le montant d’un lit.

L’éblouissement n’est pas celui d’une lampe dans le grand noir d’une fenêtre, c’est le fond du désir qui se brise et y laisse des plumes.

UN CARROSSE EN MIE DE PAIN ET FEUILLE D’OR ATTEND DANS LA RUE

Comme la femme repousse toujours plus loin les limites du fond, elle dessine un autre instant sur une aile de papillon et dit « ce n’est pas sérieux, c’est grave. »

Le béquet n°7 aborde la question de l’éblouissement.

Table de travail
livres, textes, sites

L’instant n’en finit pas

Coédition CEAAC et Analogues, 2008.
diffusion Les presses du Réel
Première monographie consacrée au travail de Patrick Neu
à l’occasion d’une exposition éponyme du Frac Lorraine.

lire in
Les Presses du réel

Le texte de Didier Semin « Locus Solus, 57. Sublimation des pattes de moineau » peut être lu dans le dossier de presse [pdf] de l’exposition actuelle de Patrick Neu [1] de la Galerie Marion Meyer Contemporain.

cf aussi : texte critique de Camille Paulhan sur le site « lacritique.org »

les 3 phrases du béquet n° 7 en petites capitales

TOUTE LA MATIÉRE REPOSE SUR LA PAROLE

Valère Novarina, in « Conversations des êtres, des choses, et des je-ne-sais-quoi », livre-catalogue à l’occasion de l’exposition éponyme de Jean-Paul Thibeau, Galerie Keller, Paris, 1990. p. 6.
cf in Site Protocoles Méta "Conversation de l’artiste avec une méta-météorite".

LE BON DIEU EST DANS LES DÉTAILS
Aby Warburg, cité par Didier Semin dans « Locus Solus, 57. Sublimation des pattes de moineau » (p. 59, note 2), texte référencé ci-dessus.

UN CARROSSE EN MIE DE PAIN ET FEUILLE D’OR ATTEND DANS LA RUE
Collection Frac Des Pays de la Loire
Patrick Neu, Untitled 2002
Gold sheets over bread crumb, metal, leather
18,5 x 37,8 x 15, 75 inches.

autres œuvres citées

Gustave Caillebotte, Les raboteurs de parquet, 1875, Musée d’Orsay.
voir « Contemplations d’une varlope »

Gustave Courbet, L’origine du monde , 1866, Musée d’Orsay.

Italo Calvino, Le Chevalier inexistant, Éditions du Seuil, 1962.

autres œuvres de Patrick Neu citées

Patrick Neu, L’armure, 1996, Cristal et plumes, 200 cm L.

Patrick Neu, Masque en cristal, in L’instant n’en finit pas, ouvrage cité p. 32-33.

Patrick Neu, Colonne de verres, in L’instant n’en finit pas, ouvrage cité p. 21.

Patrick Neu, Le Crâne, 2009. Cristal.
Courtesy Marion Meyer Contemporain © Patrick Neu

Patrick Neu, Ailes de papillon, in L’instant n’en finit pas, p. 38-43.

23 janvier 2011
T T+

[1vue de l’exposition Patrick Neu

Courtesy Marion Meyer Contemporain