La nuit remua, encore

Claude Favre et Yann Féry
Claude Favre (à droite) et Yann Féry

Toujours aller voir ailleurs, à Berlin par exemple – et faire honneur aux absent(e)s.
“Au café Kant, si j’étais photographe, je n’aurais pas le droit de prendre ces clients en photo ou il faudrait leur demander une autorisation. Mais je n’ai pas besoin de demander quoi que ce soit parce que j’écris, et les mots, ce n’est pas comme les images, personne n’y fait attention.
Au café Kant, le temps passe comme ailleurs et je dois m’en aller – je demande l’addition.” - ce qu’écrivait, de Berlin, sur remue.net, Cécile Wajsbrot, dans cette récente lettre

Faire honneur aux absent(e)s, donc, de cette nuit remue.net , c’est se permettre d’offrir un bel extrait d’un texte récemment publié sur le site ; c’est aussi s’éviter de citer tous les présent(e)s à cette belle soirée. (Trop nombreux nous étions, trop nombreux et trop là, trop intensément là). C’est encore, lisant Wasjbrot, revoir apparaître le dos de l’aile d’un moulin rouge, aile rouge immense d’un moulin du même rouge, immense pétant touristique écrasant. Un moulin, rouge, au cul duquel s’imagina en vrai cette succession de moments intenses, dans la salle au fond de la cour.
Et dehors, en même temps, la vie sur la place de Clichy, un samedi soir – cette idée du contraste que c’était, trouvée sur le blog lignes de fuite :
“ le choc quasi extraterrestre du boulevard de Clichy où je mets rarement les pieds, surtout le samedi soir : la vie des terriens bat son plein, les bus déversent des flots de touristes endimanchés directement devant les queues des cabarets, (…) à moi les intelligences extraterrestres !”

Aussi discret cela soit-il dans le vacarme des images, écrire continue… Ecrire nous coûte. Et nous permet.
C’est ce qui s’est entendu, et vu, ce samedi 23 juin, au cul du moulin dans le fond de la cour. Les fébrilités et tremblements, essentiels, puis la confiance souvent qui s’amène, en cours de lecture, en même temps que la juste distance du micro, quelque chose qui nous grimpe en même temps que celle ou celui qui pour nous lit peu à peu s’y sent, trouve l’endroit de sa lecture. L’endroit où quelque chose se trouve à chercher, ensemble.
Ecrire coûte et nous permet, si aussi quelqu’un écoute. Et ce samedi soir là, à quelques mètres à peine et pourtant tellement loin de Paris et des lights de Pigalle et Clichy, quelqu’un écoute. Et ce quelqu’un est venu en nombre.

Et ce quelqu’un, venu en nombre, est singulier et divers en ses voix. “On porte aussi les préférences des autres avec nous” , dixit Sébastien Rongier, joyeusement omniprésent dans cette entreprise, tout comme Dominique Dussidour, qu’aussi je citerai : “les voix ne s’annulaient pas, ne se combattaient pas, elles ne se refermaient pas sur elles-mêmes mais contribuaient à l’ensemble, s’ajoutaient, souvent se faisaient écho” . Deux voix remueuses, citées pour dire ce bonheur qui fut le nôtre, et collectif, d’avoir oeuvré à cela.

Ecrire, face aux immenses images qui tout recouvrent, fait du sens. Et écrire fait des sons (via aussi la guitare et les racks d’effet de Yann Féry.)
Ces lectures seront bientôt disponibles en téléchargement. Une compilation mp3 est aussi en projet, destinée à nos chers adhérents.

Merci à théâtre ouvert, ouvert à tous nos vents ce soir-là. Et même aux perturbateurs, à l’image de ce bon Roland Barthes, chien complice de la lecture de Philippe Boisnard, par ailleurs responsable du site libr-critique

une nuit d’apparitions
une nuit d’apparitions

Merci à toutes et tous d’avoir été là, souriant, écoutant, intensément écoutant, buvant, causant, lisant, remuant, revenant écouter, toujours intensément, portant, achetant, servant, payant, réglant (micros, balances, tables d’effet), se présentant, présentant, saluant, reréglant (micros toujours, balances, et tables), fumant, ou pas, allant-revenant-restant, écoutant encore, et encore intensément,

restant.

Intensément restant, du début jusqu’à bien après la fin.

29 juin 2007
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