Loin de la cantine
C’est une image prise au hasard d’un journal télévisé.
Il se tient contre un muret. Il a le visage baissé, encapuchonné dans son sweat blanc. Une femme l’aborde. C’est une enseignante. Elle a un ton sec. Il ne doit pas rester là. Il faut qu’il aille manger. Prendre un sandwich au moins. On ne peut pas bien suivre l’école si on ne mange pas. Et la voix off de dire : De plus en plus d’enfants, d’adolescents, à l’heure du déjeuner, ne rentrent pas chez eux, mais ne se rendent pas non plus à la cantine. Trop chère. Comme ce garçon, qui se tient à l’écart, discrètement.
Il fait beau ce jour-là. Un doux soleil de septembre sur le mur et les grillages de l’école. Il est loin de la cantine, il attend que le temps passe. Il attend. A quoi pense-t-il ? Il aimerait que ce corps n’ait aucune exigence, pourquoi donc faut-il se nourrir ? Mais peut-être ne pense-t-il à rien. Il regarde la fourmi dans une craquelure du tarmac. Il est vide. Il attend.