Maison àvendre

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Cette nuit j’ai rêvé que je trouvais des branches de ronces couvertes de mà»res d’un rouge noir. J’en goà»tais quelques-unes, et je me disais : finalement, je vais encore pouvoir faire de la confiture de mà»res, une dernière fois.
La couleur des fruits, je la vois. Elle me fait penser au sang qui coulait l’autre nuit du nez de A***. Elle est venue dans notre chambre pour dire qu’elle saignait. Dans ses mains, des gouttes qu’elle avait recueillies. C’est le sang aussi de mes règles de ces jours, très abondantes.

Je suis déchirée. Les saisons vont passer.

J’ai toujours voulu une maison. Viscéralement. Celle-ci ou une autre. J’avais une ferme en Afrique. La phrase de Karen Blixen me trotte dans la tête depuis quelques semaines. J’avais une ferme en Afrique. Sydney Pollack est mort le week-end dernier. La radio a diffusé quelques mesures du concerto pour clarinette de Mozart, musique de Out of Africa. Je me souviens très exactement quand j’ai vu le film. J’étais adolescente, c’était àNamur, rue de Fer, avec Catherine T. C’était en journée, nous étions ressorties dans l’après-midi ensoleillé.

Dans le roman que je lis, une idée me frappe. L’espérance n’est pas une chose facile. On pourrait croire qu’il s’agit d’une facilité, espérer, d’une échappatoire. Non. L’espérance, c’est une force, une volonté difficile àvivre réellement. Lorsque tout porte au désespoir, l’espérance paraît risible, déraisonnable. L’espérance n’est pas sérieuse.

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Hortense Schneider. Je me suis réveillée avec le nom d’Hortense Schneider aux lèvres. Qui est Hortense Schneider ? Impossible de m’en souvenir. Je suis certaine que c’est une personne qui a bel et bien existé, un personnage historique. Je trouve le nom beau. Je me dis d’abord que le prénom m’est venu au bord du sommeil, àcause des hortensias. Ces grands massifs d’hortensias bleus et roses dont la floraison est incertaine cette année àcause des neiges tardives de mars et d’avril.

Je supporte de moins en moins la représentation de la mort. A chaque fois, je pleure. Dans le dernier film d’Assayas, Charles Berling, après l’annonce du décès de sa mère est dans sa voiture. Il se gare sur le bord d’une route de forêt. Et il pleure. Un homme de 45 ans qui pleure de toutes ses larmes. Cela me fait pleurer. Et dans le roman de Henry Bauchau, le décès de sa belle-fille. Je pleure aussi. Je ne supporte plus le chagrin de la mort.

Hortense Schneider était une cantatrice célèbre du XIXe siècle. Interprète d’Offenbach.

Le film d’Assayas, c’est la vente d’une maison.

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2 novembre 2018
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