Mots confits, mots contus et autres chevillarderies

avez-vous lu mots confits, mots contus ? eh bien c’est l’occasion...

en prologue àL’Oreille rouge, qu’Eric Chevillard publie le 5 février, chez Minuit bien sà»r, premières pages en ligne.

Je me suis livré il y a peu àun petit exercice oulipien assez vain consistant àécrire un texte composé presque uniquement de mots entrés dans le dictionnaire Robert durant les années quatre-vingt, aérobic, caninette, confortique et pizzaïolo, petit exercice mais rude épreuve. Car j’ai vu aussitôt s’effilocher et se défaire ce qu’immodestement j’appellerai mon style. Aquagym, procréatique, fitness et liposuccion, chaussé de ces gros sabots, je n’ai pas tenu très longtemps sur mon fil. Je suppose pourtant que tel pourrait être le registre d’un autre écrivain que moi, et ce registre exclusivement, un écrivain qui perdrait son âme en écrivant crépuscule ou gastéropode. La pensée se révèle peut-être davantage dans le traitement réservé àla syntaxe que dans ce qui est dit mot pour mot en vue de mettre le monde dans sa poche, il n’empêche qu’elle peut se fourvoyer jusqu’àla palinodie ou au délire dans le vocabulaire.

Je n’oublie pas que les maelströms emportent tout : Céline sans doute aurait pu placer bancassurance, dreadlocks, logithèque, stock-option et biodesign dans sa phrase emballée. Mais Céline est àce titre encore un cas àpart : tel qui fait feu de tout bois a aussi tous les os qui flambent et j’en connais d’autres qui écrivent plutôt pour tenter de maîtriser la situation. Michaux dans le vertige de ses expériences mescaliennes ou Hölderlin halluciné n’auraient pourtant pas laissé venir cocooning, ludoéducatif ou tiers-mondisation.

extrait de Mots confits, mots contus

Mais bien d’autres raretés chevillardiennes sur le site mis àjour par Even Doualin, dont cette Vie future du professeur Leroi-Gourhan ou sa réponse au Pour qui vous prenez-vous ? demandé l’été dernier par Bertrand Leclair pour la Quinzaine Littéraire...

24 janvier 2005
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