Pierre Drogi | mémoire matière
De fait, c’est dans l’esprit du lecteur que l’hypothèse trouvera infirmation ou confirmation. Car c’est, au fait, là que s’écrit ou se prononce une parole.
Ce cycle a à voir avec les usages pernicieux de la langue, avec les représentations discriminantes que celle-ci génère. Il s’essaie, en somme, à chercher dans la mémoire, en particulier des visages et des noms, cette matière pourtant impalpable, de souffle, qui permet de continuer à vivre.
Peut-être stupidement ? utopiquement, il sera question ici d’une fraternité concrète.
1
la pluie l’existence le cri
les visages emmédusés
et des nuages émiettés brouillons en flammes
sur deux hauteurs béantement séparées bourgeonnantes
en deux cercles successives progressives remplacées solidaires et disjointes
de gris nombreux de bleus nombreux
2
la pluie la pluie insistante
battant portes
perforant flaques
et par couples de grues
mais mouettes erratiques
trompées
et soûles …
3
à la cigogne aveugle (borgne)
dieu fait son nid .
4
ce qui n’a pas de valeur c’est cela qui tient écho mais sans lumières
brûler ici s’intercale comme un jour entier : Hassen et Hassana, Jérémie,
Mehdi, Sabine, Carole, Catherine...
– Bouchra – Selma –
cerclé dans les roseaux caché dans les feuilles – à attendre
l’accès de la violence aveugle dans la cendre douce et sourde « je le savais par le sentiment je le savais »
trouver à qui ils parlent trouver à qui parler ils traiteront la lune ils lui troueront la face
face à l’île aux chevaux parmi les papillons dressés (tiens-toi droit !)
par la faute le forfait des haruspices
pour faire nouvelle serrure voir à travers
bonne mesure
incertaine fortune
et à rance (et maigre) pitance
chière lie
♦
(entre les 2 eaux) (entre les ponts) (cent arches)
flottement
encapuchonné
criard /
de mue incertaine
l’être façon plâtre
collection de blaireaux
et de cuistres .
… excite la crapulerie
mali(g)ne
porte-monnaie de hargne,
feutrine, en sautoir .
opaque aveuglant
tout d’attention (encore)
rouillée dans l’épaisseur
se partageant des pommes mais sans effroi
la mésange ne voit pas le verre épandu partout aveugle
une biche blanche craintive une biche qui s’effraie myope et un cerf écorné
se partageant des pommes ruades et danse
longuement mains au dos sans effroi renardement encore
dans les herbes et le sous-bois et cinq en bonds (fuyant)
c’est entendu nous n’y toucherons pas .
retranché retiré salamandre…
à seule fin
de nous
précipiter
/ des mouches bourdonnantes
pour leur compte /
– malgré l’herbe
coupée
je cherche la voix dans les feuilles froides
le nez dans les genévriers ,
spirit of (Spritz) le nageur
à sa décharge
bénévole
bouchon
déjà
goutte à goutte
croqués molosse sous le lit
– regarde…
« et les pays qui le
– goudron –
feront ce qu’il
– pneu – » .
♦
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D’autres épisodes du même ensemble, Animales, ont paru en feuilleton sur Poezibao. On trouvera la section « Hassana et l’ouvrier d’Yport » dont mémoire matière est le prolongement aux épisodes 6, 7, 8 et 9 de ce feuilleton.
Animales suivi de Suite azyme & Porte-lune vient de paraître aux éditions Le Clou dans le fer.
De Pierre Drogi nous avons publié :
– ombre attachée, un poème en dix séquences ;
– sa traduction des Ravisements et de Une leçon de poésie de Nichita Stănescu.