Sébastien Lespinasse l Esthétique de la noyade

cri fossiles 
remous remu(gle meu)gle

puis 
épuisement 
puis épuisement 
et puis (épuisement 
et puis épuisement (sensible) 
et puis épuisement du (possible 
perception) filtre
(épuisement la perception) d’en dessous 
et puis (épuisement les infimes perceptions) sous le seuil 
(sous le seuil conscience) 
et puis petites perceptions
la nuit (la mer évanouie)
épuisement 
petites perceptions qui persistent
et puis (présent qui presse 
et puis présent) dans le fond qui remonte à la surface 
et puis (présent (à présent) 
tête calfeutrée) sous les seuils

et puis épuisement la mer partout présente

et puis je ne sais quoi qui hurle le silence

et puis
épuisement
je ne sais quoi qui s’épuise 
dans la noire matière d’épuisement
et puis
épuisement 
sa zone sombre 
(sa zone d’eau (implacable) 
béton (d’eau noire)
zone trou sans portes) (ni fenêtres)

et puis
épuisement
sa zone d’en dessous
qui continue
s’agite noir (dans la nuit
s’agite) dans le non-savoir

épuise forme 
épuise (informe
épuise écrasant fardeau du perçu)
paysage collé la gueule ouverte
(le goût (dégueulis) de colle) morte
et puis
matière (visqueuse dégueule (collée à soi)
épuisement)
la merde matière (implacable
épaisse et lourde) comme un couvercle
et puis
la matière (du silence (ne pas))
épuisement
la matière merde de l(a fabrication d)’oubli

les mots plongés (d’oubli
les paroles noyées) dans les mots
(le souffle oublié) dans la musique
les phrases, la lame des phrases : petit ressac

Extrait d’Esthétique de la noyade, éditions Plaine Page (2017)
http://www.plainepage.com/

18 mai 2017
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