Small talks
C’est un soir à la SGDL − dans un public de « gens de lettres » donc. Une bribe de conversation entre des personnes assises dans mon dos :
− Ce sont des PD.
− Ah oui ?
− Tu vois, je ne pensais jamais que je fréquenterais un jour des PD, mais en fait, ils sont assez sympas.
Je me retourne pour voir la tête de celui qui prononce ces phrases (55 ans environ, cheveux grisonnants, habillé tout de noir, façon intello). Un court silence suit, tandis que je me détourne. Puis cela reprend, dans mon dos.
− Ben, oui, c’est comme les juifs. Il y en a aussi des sympas.
− Et quand ils sont les deux, juifs et PD ?
Petits gloussements étouffés. Je sens leurs sourires nauséabonds dans mon dos. Propos entendus le 3 juin 2009, à Paris. Avant la projection d’un film sur l’assassinat de Robert Denoël. Croyaient-ils à un hommage aux auteurs antisémites autrefois publiés chez le sulfureux éditeur ? J’imagine leur déception.
Jean-Claude Grumberg, le scénariste, présent dans l’assistance, témoignera ensuite de la mort de son père, fusillé par les nazis, de la disparition d’une partie de sa famille dans les camps.
Mais jusque dans les salons de l’hôtel Massa, la bête revient, immonde et anodine, en forme de small talks.