Traits 1
Ce projet est un work in progress (in regress) qui réunit textes, performances, images... Il s’articule autour de la silhouette du général Instin, spectre oublieux, champion de la mort et de la (re)naissance, ersatz de père ou de mère ou de pèremère, animal, farfadet, concept bancal, présence absente, farce, fuite, chose, machine.
Extinction de la figure et du grand récit. Infra-singularité et extra-temporalité. Producteur d’instinophanies.
Il s’agit depuis le début (1997) d’un projet collectif, réinterprété par des artistes ou autres (potentiellement la société entière, par exemple dans les logiciels pour traders où Instin est le bogue), sans que ce collectif soit affublé de contrainte ou d’appartenance : suffit l’envie de rebondir sur ce trou qu’est le général.
Parlez-en autour de vous (surtout la nuit).
Je (Patrick Chatelier) suis bien entendu impliqué en premier lieu dans ce projet, impliqué en premier temps. Je (Patrick Chatelier) ai découvert ce vitrail au cours d’une promenade (bifurcation). J’ai été touché par cette image qui en rappelait et en appelait d’autres. Mais je me suis bientôt rendu compte que dans ce travail je (Patrick Chatelier) ne serais que l’un des je possibles. Un je parmi les je (général Instin).
Instin affectionne l’entre-deux, la marge, le rebut, la zone tampon, l’asile. Il provient d’un cimetière, puis est né dans un squat. Il est le dérèglement, la dent cassée, le boitement, l’erratum.
Général Instin n’a rien à voir avec l’histoire de l’art. Ses citations, notamment, relèvent du pur hasard, copies exactes sans avoir connu l’original.
« Je cherche l’or du temps. » Général Instin, faire-part de naissance.
Insolite, devenant insolent...
Instin balance entre le propre et le commun. Quand il s’incarne il devient général avec un grand i, par exemple : Instin figure de la disparition. Autrement il est instin le sentiment passager, le pavlovien, instin l’idée soudaine ou le friselis. Il change avec les années, les rencontres, les catastrophes.
Par commodité ou faiblesse on garde le grand i, sachant qu’il ne le mérite pas vraiment.
Dès qu’il prononce un mot, le mot suivant le biffe, que le mot suivant biffe, et ainsi et ainsi. Si bien que de ses phrases, seule reste la suspension.
Il est l’un des derniers habitants des utopies en ruine. Il a pour ambition de renommer le monde. C’est le seul personnage croyable (sinon crédible) que j’aie pu trouver.
Chacun a sa part d’oubli, son angle mort, ses absences aux contours vaporeux - de la madeleine à Auschwitz. Chacun a son cadavre dans le placard, secret de grande famille, amnésie atavique. Chacun a son lest. Et chacun s’évertue à lâcher ce lest pour parader léger sur l’instant présent.
Ce lest prend le nom d’Instin. Il se conjugue selon des fréquences ectoplasmiques, hautes et basses.
La première fois que j’ai vu le vitrail au cimetière Montparnasse, je n’avais pas conscience que le nom Hinstin pouvait se retrouver chez des vivants. Je ne pensais rien précisément, mais cela pouvait être une signalétique en langue étrangère, un code pour rendez-vous clandestins, un jeu de pistes, une farce de gosses. Ou bien la dénomination de la perte, de la répétition dans le temps : (H)instin était le mot toujours qui me manque.
Aujourd’hui 10 février 2005, je rencontre Lili Hinstin, descendante du général. Nous avons rendez-vous dans un café à Montparnasse.
Elle ne connaît pas le vitrail.