Un bout de bois ce n’est pas grand chose
Un bout de bois n’est qu’un bout de bois. Ce n’est pas grand chose, un baton tout au plus. Avec un peu d’effort on peut sûrement en magnifier la représentation, soigner son éclairage et souligner avec grâce sa forme contre un fond noir. C’est déjà beau. Et c’est d’ailleurs ce que Barbara Crane avait commencé par faire, comme elle l’aurait fait de tout autre objet dont la forme la surprit un peu, une pierre, un oiseau mort, une boule de poils recrachée par son chat, des bonbons, une infinité d’objets en fait. Une image, la plus simple possible, celle du morceau de bois dont la silhouette se découpe contre un fond noir, l’objet rendu à sa forme. Puis, parce que dans le travail de Barbara Crane, ce qui compte n’est pas tant une image prise isolément, mais le procédé qui permet cette image, et sa démultiplication en autant de déclinaisons, en présence donc de toute une série d’images de bouts de bois est naturellement venue à Barbara Crane l’idée d’associer ces images entre elles. Et alors c’est un tout un champ de possibles qui s’ouvre à l’artiste. Ce qui revient à dire que ce qui est représenté importe peu, ce qui compte, somme toute, c’est le travail de l’artiste avec cette glaise indifférenciée. Donnez-lui des batons — une pierre, un oiseau mort, une boule de poils recrachée par son chat, des bonbons, que sais-je encore ?, toute une vie d’artiste n’y suffit pas — comme vous auriez donné de la boue à Baudelaire, elle en fait de l’or.