« Un lieu de vie, "de repos et de travail" »
1 - La maison qu’est Julien Gracq
« À dix-neuf ans, c’est en lisant Julien Gracq, d’abord Un Balcon en forêt grâce à un professeur de littérature très estimé (M. Keryhuel, de l’Université de Nantes, hommage lui soit rendu), que j’ai pour la première fois éprouvé ce que la littérature pouvait contenir et distiller d’immense ; et qu’elle pouvait relever d’une importance vitale et existentielle. Que la littérature pouvait être ce territoire de part en part ouvert où ces besoins existentiels et comme vitaux pouvaient trouver une forme, d’innombrables formes. Je découvrais en même temps qu’un roman pouvait être un gigantesque poème en prose, ainsi qu’un inépuisable réservoir de beauté, d’envoûtements et de mystères. À cet âge à peine postérieur à l’adolescence, j’aspirais à ne plus lire pour ma distraction tout en y prenant plaisir ; devant l’œuvre de Julien Gracq, j’y étais. Pour la première fois, sentir qu’on lit car des vérités plus profondes sur le monde vont vous être données, et que sa propre vie prend à mesure de l’épaisseur. » écrit Anthony Poiraudeau dans ce texte intitulé Voir Julien Gracq à Saint-Florent-le-Vieil, accueilli sur le site oeuvresouvertes.net/ de Laurent Margantin il y a plusieurs années et qui m’est revenu devant les yeux cette semaine par le jeu d’écume des réseaux sociaux - quand le même jour Cathie Barreau m’informait de l’ouverture du site de la Maison Julien-Gracq .
Ce texte, à lire, narre avec une douce ironie sa propre visite à Julien Gracq, la déconvenue et la gêne du jeune homme en formation face au mythe vivant, cette manière d’impossibilité de la rencontre - et l’absolue nécessité de la tenter, car la déconvenue, la dé-cristallisation induite, participent de la force qu’on peut continuer de trouver dans la lecture. Passer outre la confrontation au mythe, pour, peut-être, lire plus densément. Paradoxes de la rencontre avec l’auteur, paradoxe amplifié dans le cas d’un auteur comme Gracq, qui lui-même affirmait ne pas avoir grand chose à apprendre, enseigner, délivrer, hors ses textes.
2 - La maison de Julien Gracq
Des maisons d’écrivains, Julien Gracq disait aussi être " un peu désenchanté toujours par ces visites de maisons d’écrivains. Une espèce de contamination muséale se répand partout, c’est le musée qui prend possession de la vie privée après la mort. C’est désolant. (...)", nous apprend la page de garde du site de la Maison Julien Gracq. On lit un peu plus loin, comme en contrepoint : "La maison où un écrivain a vécu devrait apporter autre chose à quelqu’un qui vient la visiter, qui est poussé par une certaine ferveur, ou par la curiosité. Certes elle présente des objets, des images qui parlent de l’écrivain, mais c’est, ou ce devrait être, pour reconduire vers la lecture, vers l’imaginaire littéraire..."
Il y a quelque chose à faire de et dans cette maison, il y a quelque chose d’autre qu’un musée, il y a à s’emparer de ce paradoxe Gracq, de sa présence en ces lieux, eux-mêmes si doux et si étranges, s’est dit Cathie Barreau il y a plusieurs années déjà, il y a ici à : accueillir.
Et accueillir, Cathie sait le faire ; accueillir des auteurs, mieux encore (je le sais pour avoir longtemps travaillé avec elle à la Maison Gueffier), le lien qu’elle tisse avec chacun d’entre elles et eux est particulier (on peut lire ce lien dans ce texte où Caroline Sagot-Duvauroux, en présence dans cette maison cette année, est évoquée).
La maison est en chantier ; ce chantier, cette traversée liminaire fut évoquée par elle de façon personnelle dans cette chronique sur remue.net l’hiver dernier. Mais les résidences hors-les-murs démarrent, car l’accueil, et l’énergie produite par ces énergies frottées, ne sauraient trop attendre : [Caroline Sagot-Duvauroux, qu’on évoquait, mais aussi bientôt Lucien Suel, Antjie Krog.->http://maisonjuliengracq.fr/spip.php?rubrique20].. et d’autres... c’est ouvert.
Les modalités de candidature et de séjour sont expliquées ici.
Le projet littéraire et artistique de la Maison Gracq est présenté plus amplement ici.