Un sot ne voit pas le même arbre qu’un sage (William Blake)
Henrique Oliveira, Baitogogo (2013, Palais de Tokyo)
Lorsqu’au XVIIe siècle, Thomas Browne écrit sa somme Pseudodoxia Epidemica [1] où il examine de nombreuses idées reçues et vérités généralement admises, il consacre quelques pages aux croyances fausses liées aux végétaux, en particulier celle qui prétend qu’un figuier repousse la foudre et éloigne le tonnerre. Nul doute que si jamais tel figuier a existé, il trouverait sa place dans l’Éloge des arborinidés publié par Julien Nouveau.
Érudit et encyclopédique, Éloge des arborinidés est un livre d’arbres rêvés et fantasques. De l’arvorebera (arbre-île ou radeau qui croît aux embouchures des fleuves et se détache pour voguer en haute mer) au yamanÅ« shiro (à ce point fragile qu’il ne se laisse pas dompter), Julien Nouveau invente des arbres étranges, aux mœurs et cycles singuliers, qui surprennent et enchantent. Ainsi l’heimolène qui attire à lui les bêtes mourantes pour les accompagner vers leur dernier soupir tout en se nourrissant des gaz carboniques de leur décomposition.
Richement illustré (par Sonia Cavallini, Maurice Martingale et Eloi Jacquelin) cet ouvrage possède le charme des aventures du professeur Challenger imaginés par Sir Conan Doyle, il renvoie à l’enfance, aux textes de Jules Verne comme aux récits de Marco Polo ou de Magellan en un temps où l’exploration pouvait à tout moment ouvrir les portes du merveilleux.
L’une des grandes qualités de cet éloge est de renouveler notre capacité à l’étonnement. Comme l’écrit l’auteur dans sa préface : « Que la grâce du vivant soit goûtée dans la douceur de se savoir entouré d’êtres aussi étudiés ou admirés soient-ils, toujours imprenables. »
En conclusion, plutôt que d’éventer les surprises du livre de Julien Nouveau, je préfère citer un extrait d’Au pays de la magie, d’Henri Michaux, où – brusquement – apparaît un arbre qui aurait sa place dans la famille merveilleuse des arborinidés.
L’arbre qui bat des branches, je ne l’ai pas vu mais on m’en a beaucoup parlé. Il ne peut en battre que les quinze premiers jours du printemps, après lesquels la souplesse vient à lui manquer et il demeure indifférent et posé comme les autres arbres, bourrés comme ils sont de cellulose et d’autres duretés incompatibles avec l’expression et la danse.
[1] Splendide traduction française de Bernard Hoepffner assisté de Catherine Goffaux, publiée aux éditions José Corti.