Une vue parlée

neuvième conversation avec ma table

la mise hors jeu de la représentation
Le théâtre de Novarina accomplit un important travail [... qui] s’appuie sur la dramatisation immanente du langage qui prend la forme d’une altération maximalisée du signifiant. Cette dramatisation − activisme toujours en avance sur l’action dramatique proprement dite − contribue à disqualifier tous les attendus du drame ; elle invite même, par-delà cette mise en suspens, au recyclage poétique des membra disjecta. Loin d’ignorer les principes de la poétique théâtrale, elle les corrompt et les destitue de leur pertinence formelle pour y retrouver le matériau fusant de la parole : la crise, de la représentation y est la conséquence de la crise du signe saussurien, ou de ce que, d’une expression plus suggestive, Christian Prigent appelle la « passion de l’arbitraire des signes ». Elle prend chez Novarina la forme d’innombrables coulures de langue qui recouvrent ou dévisagent le dialogue, la didascalie, et le récit en les poétisant : instruments désaxés du drame où le personnage novarinien se dévoile à chaque fois en ses contradictions maladives.
Olivier Dubouclez, Valère Novarina, la physique du drame, Les Presses du réel, L’espace littéraire, 2011. pp. 35-36.

Adrienne Monnier pour la deuxième fois. Entretemps la topographie de la rue de l’Odéon m’était devenue plus compréhensible. J’avais lu dans son introuvable recueil de poèmes Visages les beaux vers consacrés à son amie Sylvia Beach, qui a en face de chez elle la petite boutique dans laquelle l’anglais [sic] Joyce vécut l’histoire mouvementée de sa première parution. « Déjà », écrit-elle, « Déjà midi nous voit, l’une en face de l’autre/Debout devant nos seuils, au niveau de la rue/Doux fleuve de soleil qui porte sur ses bords/Nos Librairies.  » Elle entra dans le magasin vers trois heures et demi, juste une minute après moi, enveloppée dans un manteau de bure grise, à la fois cosaque et grand-mère, timide et pleine d’allant. À peine sommes-nous assis ensemble à la même place qu’elle fait signe à quelqu’un à travers la vitrine. Il entre.
Walter Benjamin, Journal parisien, 10 février 1930.
Sur Proust, éd. Nous, 2010, p. 83.

Le choc de la retrouvaille.
Jamais plus nous ne pouvons recouvrer tout à fait ce qui est passé. Et c’est peut-être une bonne chose. Le choc de la retrouvaille serait si destructeur qu’il nous faudrait cesser sur-le-champ de comprendre notre nostalgie.
Walter Benjamin, Enfance berlinoise, « La boîte de lecture »,
Éd. Maurice Nadeau. pp. 76-78. Traduction Jean Lacoste.
Lire sur remue.net les textes critiques de Sébastien Rongier relativement à Jean-Michel Palmier.

À peine,
sommes-nous mises ensemble à la même place,
ma table et moi,
que quelqu’un, quelque chose, fait signe,
à travers la matière ligneuse, la matière verbale :

L’univers est parlé.
Toute la matière repose sur la parole ;
c’est par elle seule que le monde est maintenu.
Toute notre vue est parlée
.

Valère Novarina, Pendant la matière, P.O.L., 2001, p. 28.

Valère Novarina,
Théâtre de dessins : 2587 personnages, 311 définitions de Dieu, 2010.


« voir »

Ritournelles n° 12, Bordeaux.
Valère Novarina, « L’incarnation du verbe »

Semaine en cours :

Vernissage
Mercredi 23 novembre, Bordeaux.
Exposition de dessins de Valère Novarina
Galerie Cortex Athletico.

Exposition Walter Benjamin Archives
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme

Exposition Casanova, la passion de la liberté
Bibliothèque Nationale de France.

« lire »

Valère Novarina, éditions P.O.L.

L’Animal du temps,
(capsule sonore n°4)

Olivier Dubouclez, Valère Novarina, la physique du drame,
Les Presses du réel, L’espace littéraire, 2011.

Walter Benjamin, Œuvres
et singulièrement, capsule sonore n°2, « Brèves Ombres »,
Œuvres II, Gallimard, Folio Essais 373, pp. 349-350.

Alexandre Valassidis,
Le saut de l’ange entre deux chaises,
Atelier de l’Agneau, 2009.
(capsule sonore n°6)

« écouter  »

22 novembre 2011
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