Visage vive
“La mort devrait savoir / Et nous laisser passer”, Matthieu Gosztola.
« Avec la douleur
Les gémissements et puis le rien
Qui passe du sang sur
La peau les compresses
Et la pommade
L’odeur de la pommade
Tout le souvenir est agité
Maintenant »
Ce va-et-vient douloureux est au cœur du livre. Altéré parfois par ce qui reste vivant (le cerisier, le vent, les sous-bois) au dehors, il réussit à créer, par delà l’absence, un lien que l’on sait indéfectible. La douleur passe lentement de l’un à l’autre et quand l’enfant, à sa fin, en sera délivré, le père devra poursuivre la route, s’ouvrir un chemin intérieur (ce sera par l’écriture) pour vivre, pour tenir avec, et pour la contenir.
« Ça me plaît d’être dans ton
Cœur
Et de ne pas chercher la sortie
Car j’entends moi aussi
Les cris
Qui se partagent l’espace »
Changeant fréquemment de forme, allant du poème bref au plus long en passant par l’incise, usant de mots simples, remuant la chronologie des faits et alternant les rythmes, Matthieu Gosztola entre dans cette douleur (qui est là, « comme calée contre le corps ») en la ressassant et en s’en détachant peu à peu, allant même jusqu’à la faire vivre de façon autonome avant, ultime et saisissant final, de lui donner corps.
« Et puis j’ai vu
La douleur jeter brutalement
Ses béquilles
Et toi marcher à cloche-pied
Comme si tu étais la douleur. »
Il n’y a pas ici d’acceptation. Mais il n’y a pas non plus de colère effrénée. La pensée ondule ailleurs. Pudique et réservée, ce qui ne l’empêche pas d’être exacerbée, elle diffuse ce qu’elle ressent, ouvrant çà et là « le noir complet » pour y faire entrer un peu de la lumière du jour.
Matthieu Gosztola : Visage vive, éditions Gros textes.