Anton Beraber | Trésor des traversées possibles | Dernier jour

Extrait du Journal au lundi 5 juillet :
"Et tout s’arrête enfin. Le ballet des dernières fois s’enraye. La lettre que j’ai lue à Laura ce matin, mon nom rayé sur la liste des cadres et, modestement, ce Journal : tout ce qui restera. J’ai souvent pris l’image de la grotte peinte, de la plaque gravée sur Pioneer ou du livre perdu sur une banquette du RER : une forme survit, peu à peu séparée de son monde, sa matière elle-même transmuée par la solitude, emportant dans l’infini l’espèce de promesse et l’espèce de peur. Un caillou jeté dans l’éternité d’internet (combien de temps faudra-t-il à Instagram pour effacer cela ?). Merci à tous ceux qui se reconnaîtront, ceux du tout début, les tardifs et sincères, les autres, qui trouveront cela dans un an, dans dix, et peut-être remonteront le fil. Qu’ils sachent pour la Ville : nous y fûmes heureux. La lumière très belle en fin de matinée. Les désastreuses amours de Fairouz dans la radiocassette des taxis. J’y vis mentir et pardonner, j’y vis aimer, naître et mourir. J’y sauvai quelque chose de moi qui se perdait, et tout ce que j’ai perdu, qu’importe. Le trésor, comprenez, des traversées possibles. Et ce fut à la fois tout et rien."

24 août 2021
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