En découdre
Derrière ce beau titre, se cache une présence discrète qui ne se dévoile qu’avec retenue, de façon parcellaire, au cœur de l’hiver, avec en toile de fond un paysage aux collines dissimulées sous la neige. Çà et là, de frêles lignes noires jouent de leur contraste et agrippent le regard. C’est avec cette étendue blanche et aveuglante qu’il faut en découdre. Avec elle et avec la nuit, le froid, le manque de lumière. Celui-ci peut facilement se propager à l’intérieur de soi et nécessiter l’allumage de quelques feux. Il faudra ensuite souffler sur les braises et tracer des signes au sol avec le bois brûlé. C’est ce que fait Isabelle Lévesque.
« Pour compagnon,
l’hiver.
Il faut d’un bâton
tracer au plus vite
des figures indéchiffrables
pour les lire
après coup.
On dirait dans le soir
des dessins de flamme. »
Le froid n’endort pas l’ardeur, loin s’en faut. Il s’agit non seulement de la préserver mais aussi de la nourrir en prévision des jours meilleurs. Occuper cet entre-deux à deux si possible, faire confiance aux mots et guetter les indices de vie qui se manifestent parfois en une fraction de seconde. Cela n’empêche pas le tourment, la crainte, la peur de perdre pied. Ces émotions ambivalentes – exprimées avec délicatesse – sont tout simplement humaines.
« Mon cœur porte les épines
des unités qui s’alignent »
Il y a chez Isabelle Lévesque des non-dits, des énigmes, des suggestions qui incitent à la réflexion, qui stimulent la pensée. Chez elle, rien n’est jamais figé. Le mouvement est continu. Ses poèmes circulent entre le feu et la glace, entre l’obscurité et la lumière, entre la parole et le silence. Et au final, c’est elle qui en parle le mieux.
« C’est l’hiver. L’espace divisé révèle deux camps : en découdre pour ne pas rompre. Accepter d’être affronté pour que ne résiste plus la faculté d’inventer. »
Isabelle Lévesque : En découdre, couverture et frontispice de Fabrice Rebeyrolle, éditions L’herbe qui tremble.