Esquisses pour une île
Ses poèmes savent saisir et dépasser l’instant présent. Qu’il soit à Alep (où il est né), à Beyrouth (où il a longtemps vécu) ou à Paris (où il vit depuis plus de vingt ans), à chaque fois, quelque chose (un élément du paysage, une absence impossible à combler, une sensation de solitude, un souvenir prégnant) bouge en lui, s’anime, s’intègre au décor et l’incite à écrire.
« le ciel coule sur la cime des arbres
entre les doigts la douleur glisse
sans s’accrocher aux mûriers
voilà le jour en panne
pas un coq ne pourra le réparer »
Ce qu’il voit – et qui se trouve souvent à proximité de la mer – l’amène à créer des images finement tressées, parfois liées à un imaginaire traversé par certains contes immémoriaux.
« je t’envoie mon souffle
dans une barque
ou je sacrifie un bélier
à ta sueur »
ou :
« ainsi un cheval
brûle
le long de son hennissement »
ou encore :
« autour de la table les pêcheurs échangent
les filets déchirés contre des souvenirs
et la brise ne souffle
que pour allumer leur perte »
La poésie de Saleh Diab frappe par sa concision, sa profondeur et son insatiable quête de lumière. Celle-ci n’est pas une fin en soi mais un lent cheminement vers une possible plénitude. Il sait que rien n’est acquis mais il éprouve le besoin de détourner les vents mauvais pour les rendre plus légers, plus porteurs, en espérant atteindre cette « touche de bleu » qui l’attire.
« sa voix
est trempée de paroles
une touche de bleu
sèche
sur sa vie »
Esquisses pour une île est un ensemble composé de séquences de poèmes écrites en divers lieux, entre 1993 et 2004. On y découvre la voix claire et sensible de Saleh Diab, à qui l’on doit également une anthologie de la Poésie syrienne contemporaine (Le Castor Astral, 2018).
Saleh Diab : Esquisses pour une île, bilingue, traduction Annie Salager et l’auteur, Tarabuste.