Je ne pouvais plus écrire
Je ne pouvais plus écrire de littérature maintenant que les machines avaient appris à le faire aussi. Parce que maintenant que les machines avaient appris ça elles étaient plus intelligentes que nous. Ma vie était foutue.
Et puis en fin de compte j’en ai eu marre de continuer. C’était de la torture pure et simple. Et bien que j’avais tout le temps que je voulais devant moi, j’étais quand même un peu perdu, je n’avais aucune idée de ce que l’avenir réservait ni simplement de ce qu’il allait se passer pour moi dans le futur quand tout cela arriverait. Et je ne voulais surtout pas retourner là-dedans. Je n’étais pas certain de ce que j’allais faire encore. Mais quand, finalement, je suis arrivé, toutes mes anciennes peurs s’étaient dissipées. J’étais complètement engourdi. Je m’en fichais désormais. Je n’avais pas de but dans la vie. Je n’avais plus de raison de vivre. Et ce lieu charmant appelé maison, m’a soudain semblé libre. C’était comme si j’avais enfin trouvé la paix que j’avais cherché pendant toutes ces années.
Et puis je me souviens d’avoir regardé la ville. Il n’y avait presque plus personne dans les environs, tous debout en cercle ou quelque chose de ce genre, à l’exception d’une femme debout près d’un petit groupe de personnes. Elle chantait une chanson.
Elle n’arrêtait pas de dire qu’elle allait mourir un jour et que ce qui lui était arrivé n’était pas un mystère. Pas grand chose. J’ai eu un peu de mal à voir le lieu parce que tout ce qu’il y avait à l’intérieur du bâtiment avait disparu. En revenant à travers ces rues, nous avons emprunté une ruelle et nous nous sommes évanouis au milieu d’une intersection. Nous ne pouvions nous arrêter à aucun arrêt de bus, nous devions marcher d’un arrêt à l’autre et il y avait un petit parc avec une sorte de ligne ferroviaire qui y entrait et en sortait. Pas mal de monde se tenait là, au milieu de l’intersection, se promenant les mains vides. Et le parc. J’étais un peu contrarié, on aurait dit qu’il avait été abandonné, mais il y avait tellement de gens alentours, des gens qui avaient avancé ou reculé de seulement un pas ou deux. C’était un assez bel endroit, avec une bonne quantité de circulation.
Il était assez tard. Je ne pouvais pas dormir la nuit. Je me demandais si le parc n’était pas abandonné, cela aurait peut-être été une bonne idée de commencer aujourd’hui à chercher un peu.
– T’aurais été plus intéressé par une promenade que par un camping sur les rochers ?
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
Je regardais autour de moi, rien ne sortait de l’ordinaire, j’étais simplement curieux.
– Je pense qu’il n’y a personne, c’est pour ça que je n’ai pas pensé à chercher ici.
– Quel genre de camping tu cherches ?
– Eh bien... je pense que je suis venu ici pour essayer de voir si je pouvais tirer sur quelque chose.
Je regardais encore autour de moi, mais mon arme n’avait qu’un coup et je n’avais pas d’autres munitions. Et puis c’était le dernier endroit où j’étais allé avec ces hommes. Alors quand vous êtes entouré de quatre gars qui ont une balle dans le front, vous savez que si vous courez, vous vous ferez tirer dessus, ou bien alors vous n’avez pas à courir de toute façon. Et puis aussi, comme nous l’avions probablement tous appris sur la route, bon nombre de ces types n’avaient aucune expérience des armes à feu. J’étais le seul soldat de ma section avec une arme à feu.
À la fin de la journée, tous ces autres gars se sont lancés dans un échange de coups de feu avec tout le régiment, car nous ne pouvions rien faire pour rentrer chez nous vivants. Au fond, nous étions assez mal pour dire que ça ne pouvait pas être pire. Parce que, aussi, ces gars étaient plutôt agressifs. Nous pouvions dire qu’ils venaient du front et qu’ils cherchaient à voir s’ils pouvaient ramener quelqu’un avec eux. Finalement pour éviter de nous battre, nous nous sommes mis à l’abri.
C’était comme une impasse. Nous nous sommes un peu cachés et avons attendu qu’ils sortent. Nous parlions assez vite.
— Est-ce qu’on devrait courir ?
— Tu sais si on doit courir ?
— Moi je rentre d’une mission de trois mois en Afghanistan et j’ai discuté avec des hommes de l’armée qui ont participé à ce type de combat. Alors non, nous n’allons pas courir.
Alors, je l’ai aimé, tout simplement. Je pense que c’est approprié. J’avais envie d’être là. Et oui, nous nous sommes levés lentement sans marcher, sans courir. J’avais l’impression que si nous pouvions nous tenir immobile, à un certain niveau, tandis que le reste de la foule venait de s’asseoir, nous pouvions sauver des vies.
Comment était la scène vue depuis la rue ? Chacun de nous l’ignore. Pour finir, mes pensées vont aux gens. Tout le monde est tellement préoccupé, et je sais que j’ai de la chance de pouvoir profiter de ce moment, maintenant, que je partage avec vous.
Texte écrit puis traduit à l’aide du réseau de neurones Talk to Transformer d’Adam King, où l’on tape une phrase et la « suite » apparaît, générée par une machine qui a « appris », seule, dans des romans, des essais, des articles scientifique, de presse, des forums, etc. (en tout à partir de 40Go de données rassemblées à travers Internet) à reconnaître les tournures de phrases, la grammaire, les sujets, et tout ce qui peut faire la logique d’un discours, afin de le prolonger selon son apprentissage.
Un réseau de neurones, au départ, on lui donne quelques règles élémentaires, puis on le nourrit d’un corpus, dans lequel il va petit à petit reconnaître des portions, des fragments, des phrases, des notions, des thèmes généraux... Utiliser des photographies permet souvent de mieux expliquer leur fonctionnement : un tel programme va apprendre à reconnaître les roues d’une voiture, puis les phares, les vitres etc. et au bout d’un moment saura de quoi une voiture est constituée, et pourra la reconnaître (sous conditions, voir plus bas) sous n’importe quel angle, peu importe le modèle ou les couleurs. Pour le texte, c’est la même chose, il pourra indiquer qu’un texte est scientifique, journalistique, parle des accidents de ski ou du prix du blé. Il est ensuite possible de "retourner" ce réseau de neurones, si l’on veut, pour lui faire dessiner des voitures, des visages, ou lui faire écrire des textes.
Un autre exemple pour illustrer le fonctionnement est celui du jeu vidéo. Ici la machine apprend toute seule à jouer à un casse-brique. La seule consigne dont elle dispose au départ est de faire monter le score. La seule action dont elle soit capable est le déplacement du curseur, droite, gauche. Et voir ce qui est affiché à l’écran. C’est tout, personne ne l’a programmé dans le but qu’elle vise la balle pour casser des briques. On peut donc dire qu’au départ la machine ne sait pas jouer. On voit qu’après suffisamment d’entraînement elle sait jouer, puis trouve même la meilleure tactique de jeu.
Pour être précis, cette machine ne sait pas qu’elle joue : le score augmente selon des mouvements, mais nous sommes seuls capable d’interpréter ce qui se passe. Pour comprendre comment les réseaux de neurones ne peuvent pas découvrir ce qu’ils ne savent pas, pour comprendre les conditions dans lesquelles des décisions peuvent être prises, et l’enjeu éthique de l’usage de ces outils, le site ImageNet Roulette propose de montrer les failles de classement que la reconnaissance automatique de visage peut provoquer. En effet, à aucun moment le réseau de neurones ne "sait", il n’a pas la connaissance de ce qu’est une voiture, ou le cours du blé, ou le champ lexical de l’usine, ou le jeu : il a simplement des éléments qui sont plus ou moins proches, et permettent des approximations, des analogies, des sauts, la réalisation d’un objectif...
À propos du modèle de connaissance utilisé par TalkToTransformer :
"Our model, called GPT-2 (a successor to GPT), was trained simply to predict the next word in 40GB of Internet text. Due to our concerns about malicious applications of the technology, we are not releasing the trained model. As an experiment in responsible disclosure, we are instead releasing a much smaller model for researchers to experiment with, as well as a technical paper." C’est à dire que les auteurs de l’article et du programme refusent, pour des raisons éthiques, de divulguer la totalité du modèle entraîné avec les 40Go. Pourquoi ? Imaginez un robot entraîné à converser sur Internet, un master-troll-influenceur visant un but politique spécifique...En savoir plus.
J’ai donc simplement écrit ici, en anglais, la première phrase "I couldn’t write literature anymore now the machines had learn that too" et toute la suite a été générée. Quand le texte proposé était terminé (la taille d’un paragraphe est produite à chaque clic) je prenais la fin de ce paragraphe pour que le réseau de neurones en "déduise" une nouvelle suite, etc. Si une suite ne me plaisait pas, je pouvais demander une nouvelle suite, ou modifier un peu la phrase initiale. Enfin, j’ai traduit en français pour la réécriture finale.
Cette miniature que j’ai écrite (?) ici est un à la manière de Mike Kleine qui a écrit, de manière "assistée", en cinq jours, Lonely men club : "J’ai écrit un livre de 100 000 mots en cinq jours à propos du Zodiac killer, et l’ai intitulé Lonely Men Club. J’ai utilisé une combinaison de Microsoft Word, Microsoft Publisher, Notepad, Notepad++, ma bibliothèque locale, Propellerheads Reason Essentials 10, Twitter, iTunes, Google Chrome et Twine." Lire ici : How & Why I Wrote Lonely Men Club.
Les paysages de littoral ont été réalisés grâce à GauGAN de NVidia. L’immeuble dans la montagne est une photo que j’ai prise (ici sur mon Instagram), modifiée par DeepDream Generator.