La résidence s’installe
C’est le 23 septembre qu’a lieu le premier atelier d’écriture adulte, à la librairie Maruani, sur le boulevard Vincent-Auriol. Je suis un peu tendue. J’arrange la disposition des tables, dans une minuscule pièce parmi les rayonnages de livres. Les participants ayant choisi de se joindre au groupe qui se réunira chaque mois pendant l’année scolaire qui vient de débuter arrivent peu à peu. Elles. Les participantes. Une dizaine de femmes qui se placent tout autour de la table. Ce jour-là elles se présentent en écrivant d’abord, puis en lisant ce qui les a conduites ici. Simple curiosité pour certaines, désir de s’astreindre à écrire, parce qu’elles aiment ça mais repoussent aux calendes grecques le moment de s’y mettre. D’autres publient déjà, une nouvelle ici, un poème là, ont des romans dans leurs tiroirs. Après leur avoir lu quelques passages de Perec – Je me souviens ; de Joe Brainard - I remember ; de Lydia Flem - Je me souviens de l’imperméable rouge que je portais l’été de mes vingt ans, je leur demande de se souvenir, elles aussi. Mais avec une consigne : qu’un élément musical, du moins sonore, vienne coudre de fil rouge leurs regards en arrière. L’une se rappelle le son des bombes, l’autre Wagner à Bayreuth, une autre encore les vagues, le vague à l’âme, le chahut à l’école il y a tellement longtemps, un amour qui s’étiole en mélodies… Toutes s’émeuvent mutuellement, respectivement, de ce qu’elles ont écrit. Moi la première je suis ravie.
C’est le 27 septembre qu’a lieu le premier atelier d’écriture au collège Elsa-Triolet autour d’un groupe quasiment constitué. Peu de garçons, beaucoup de filles, au total, une dizaine d’élèves. On se présente, on apprend à se centrer, se concentrer, on écrit puis on lit son lien à l’écriture. J’écris à des moments importants de ma vie ; J’écris des role-plays ; j’ai commencé à écrire quand j’étais à l’hôpital à 8 ans, des poèmes, mais ils étaient pas ouf ; j’écris dans des moments très difficiles, et il y en a beaucoup ; j’écris quand ma mère se dispute avec ma grand-mère, c’est comme des citations ; j’écris un journal intime, mais seulement quand je le trouve, parce que je le cache pour que ma sœur ne le lise pas ; j’écris des histoires et je les dessine avec un copain….
Tous écrivent un peu, parfois beaucoup, à leur manière. Il faudra une autre séance, le 4 octobre, pour pouvoir se souvenir, comme Joe Brainard, Perec ou Lydia Flem, mais en sons. Se souvenir du bruit de la pluie sur la tente en vacances, des pas de sa mère le matin. Et une prochaine, sans doute, pour en dire plus encore…
Entre-temps, Lisa Balavoine et Sophie Lemp sont passées à la librairie Maruani, le samedi 2 octobre. Je les avais entendues dans une lecture croisée sur le thème de la séparation de leurs parents, il y a quelques années. J’avais trouvé très beau cet écho en lecture, on aurait dit que leurs textes s’emboîtaient. À ma demande, elles ont accepté de se frotter au thème de la musique – chanson française et rock surtout, tirés de leurs livres Leur séparation, Les miroirs de Suzanne, ainsi qu’Éparse et Un garçon c’est presque rien (roman ado qu’a publié Lisa à la rentrée dernière). Ce garçon était le seul parmi un joli groupe de femmes venues écouter ces deux autrices, dont l’une porte mon nom de famille, sans pourtant être ma sœur. Mais ce fut sororal, et musical. Il y a eu des mots et des regards affectueux, au son de la pluie qu’on entendait battre sur l’auvent de la terrasse.