Les Sept Mercenaires
De temps à autre, Thomas Vinau saute les frontières. Il s’en va avec pour seuls passeports les textes de quelques écrivains qui l’appellent. Cette fois, ils sont sept, nombre magique, qui l’emportent outre-Atlantique. Ce sont des errants, des irréductibles, d’imprévisibles solitaires qui ne sont plus mais qui, tout au long de leur existence, ont bravé nombre d’intempéries et de coups du sort pour bâtir une œuvre digne de ce nom. Il se doit de leur rendre hommage. Il ne part pas seul. Régis Gonzalez l’accompagne, qui crayonne traits, visages et vastes paysages en suivant le fil des mots. Les mercenaires se nomment, par ordre d’apparition : J.D. Salinger, Richard Brautigan, Charles Bukowski, Henri Miller, John Fante, Jim Harrison et Raymond Carver. Autant dire du beau monde. Des francs-tireurs qui forcent le respect et qui ont tracé leur route sans rien demander à personne.
« Y’a toujours quelqu’un quelque part
qui a des airs de J.D. Salinger
du genre à disparaître de la
circulation
après deux ou trois chefs-d’œuvre
et qu’on retrouve 20 ans plus tard
en train de finir une bouteille
dans un parc anonyme »
Des légendes se tissent qui trouvent leurs origines dans les vies agitées et plutôt bien remplies de ces écrivains. Thomas Vinau s’en empare tout en s’en méfiant. Il s’attache d’abord aux textes. Il y repère pratiquement tout ce qu’il cherche. Ce sont eux qui l’aident à esquisser des portraits de biais en remettant en situation les sept bonhommes qu’il apprécie tant. Il honore leur mémoire. Il ne n’égare pas sur des routes trop sinueuses. Il s’autorise quelques balades avec eux. Qu’ils soient en vie, sur le départ ou déjà partis. Il s’arrête à Big Sur. S’étire près d’une rivière à truites dans le Montana. Se gare près d’un resto d’où émane une odeur de sanglier farci qui lui signale que Jim Harrison est sans doute déjà en train de consulter la carte. Ses poèmes sont simples et pertinents. Tous recèlent leur lot de subtilités glanées au hasard des livres. C’est là que se niche la vraie personnalité de chacun des protagonistes d’un ensemble qui incite au voyage et à la lecture.
« Il cueillait les touffes de laine
que les moutons abandonnent
sur les barbelés des clôtures
Le reste du temps
il restait là
les pieds dans l’eau
assis sur un canapé déglingué
près de la mare »
Ce livre est, de plus, superbement édité. Tout est pensé : format, caractères, impression, papier, mise en page des textes et des dessins et couverture cartonnée font des Sept Mercenaires un très bel objet.
Thomas Vinau : Les sept mercenaires, dessins de Régis Gonzalez, éditions Le Réalgar.