Prendre suint - 4
Sur la sagne la toile tisse l’araignée : de fil en aiguille, la soie
sèche, la soie gluante, sculptent son corps (chitine, crochets,
opisthosome) suspendu dans l’air traversé par une terre mourante.
Sur la sagne la toile tisse l’araignée. Le monde excrète une comptine
intégrale, minérale et amorphe, par ton larynx où la mouche éclot.
Où le blé (herses, trémies, tire-paille) nourrit dans le ricanement de l’ange.
Sur la sagne la toile tisse l’araignée ; ses larmes ménagères
suintent des fils. La pluie n’est jamais tombée du ciel :
elle monte de la joie (rétine, vessie, rancœur) vers les nuages.
Des couples dansent devant les buis plantés tout
autour du garde-corps en grès jaune. Une brume
monte du littoral dans un relent de concombre de mer,
tandis que mes mains s’éloignent dans la modestie
de la détresse. De nos narines sort une buée lourde.
Polyglotte.
Des verres se vident se remplissent.
Les conversations ferment les paupières des monnaies-du-pape.
On discute près de moi de choses et d’autres.
Le prompteur de la maison s’étire
dans le contre-jour des réverbères du jardin ;
l’arrosage automatique vient tout juste de se déclencher.
Chaque mort succède à une autre.
Tu n’as pas souvenir d’une époque où le parc
n’existait pas, son enfilade d’épicéas
, ses parterres de
rhododendrons,
dédommagés par la pitié.