Rond-point : Betty
J’écris à la vitesse
d’un développement Pola
roïd dans les fougères
Mélange d’époques en vue
Mon père a eu 100 ans hier et c’est
à peine visible si bien que ça
me scie le cou à vif
Les dates sont impossibles
Comment s’y prendre
Trouver sa voie dans les ornières
Betty avide
de styles et de périodes
fait sa salade
mixte
Des tâches
couleurs de bulles violentes
Ça fait peu comme repères
J’ai aimé la starlette autrefois quand j’étais
bien vivante
J’écris par touches
timides
Souvent fâchée avec la langue
Qu’avons-nous d’autre ?
A peine audible est ma conscience
du passage d’air
Au café du Rond-Point juste face à la
sortie métro je revendique une silhouette absente
Betty Round up !
Mais oui allez
Moi aussi j’ai coupé ma frange
Dans les années quatre-vingt-dix je croyais être
un ange
Envoyant mes beaux autoportraits cabines
Bouteilles à la mer
Photomontage en noir et blanc pour ce jeune acteur
que j’aimais
Me revint un jour le paquet où j’avais
oublié de coller un timbre
J’écris au rythme d’un photomaton rouille
De pâles ondes brouillent le fond du rêve
Et pourquoi se priver
du petit gris Verlaine ?
Références en spirale
Souvenirs de rencontres
vibrantes
au fond d’un lit d’hiver
Ecrire c’est mettre à l’ombre
Moderato ma douleur laisse-moi
Au café du Rond-point il est onze heures et le svelte livreur noir
aux bras agiles déverse
sa cargaison de vélux sur le trottoir
Ils vont installer une verrière
Le passant l’aide et ça
bascule
Promesse de lumière
comme sur front au soleil
Nous sommes juillet
Au murs s’accrochent
des portraits de famille
pour remonter le fil
en cas d’errance
C’est doux c’est la galerie
des possibles sur bois sur toile
Des icones loin d’être
identitaires
Et tandis que j’écris ces lignes
un homme meurt égorgé par un homme
C’est en Seine-Maritime
Est-ce mon frère
Aujourd’hui le 26
au café du Rond-Point
la lumière chauffe
ma joue
et ce désir de vivre
pensant à la petite ville
normande
où a vécu ma mère
Frédérique COSNIER – Juillet 2016 / Avec des œuvres de Ida Tursic & Wilfried Mille
View of the exhibition ’Elizabeth Taylor in a landscape, painting nature’s beauty and the caress of the smirking sun over the mountains’ / Almine Rech Gallery, Paris / 02.06 — 30.07.16 / Courtesy of the Artists and Almine Rech Gallery