Se rencontrer

À défaut de pouvoir rencontrer les auteur.e.s de notre sélection dès le mois de janvier – une rencontre croisée mensuelle était envisagée entre janvier et mai – nous avons organisé une rencontre du jury, soit quinze personnes (dont trois représentants d’une voix collective : la classe du lycée Hénaff, la médiathèque de Bagnolet, l’université populaire de Bagnolet), réunies par demi-groupe un dimanche et un lundi d’hiver à la librairie (fermée). Soit un échange naturel et enjoué pour faire connaissance, évoquer les modalités de ré-organisation, poser toutes les questions qui viennent et donner des premières impressions de lectures.
Après un tour de table sans table où chacun se présente – et où je découvre avec allégresse la diversité des profils des membres de notre jury ou les hasards des regroupements (deux habitants de la même résidence, deux éducatrices spécialisées…) - la conversation s’engage sans peine.
Au départ, ce sont des interrogations sur le rôle des jurés, ce que nous attendons d’eux, la légitimité d’une lecture non savante, d’un jugement guidé par l’émotion, les critères de sélection etc. ?
Derrière mon masque je souris, d’un sourire franc et sincère, je suis heureuse – de cette rencontre, de me confronter à ces questions, de tenter d’y répondre avec Rosalie et Marianne.
Très vite, ce sont les lectures qui sont commentées.
En écoutant, je me demande comment je vais pouvoir retranscrire l’élan qui porte la conversation, la circulation si fluide et simple de la parole, l’enthousiasme dont on aimerait enregistrer le son. Mon carnet mental fonctionne à plein, regrette déjà ses oublis (oublieuse mémoire).
M. croyait qu’il fallait avoir lu tous les livres avant la réunion « Y’a pas
interro ? » ; A. fait une leçon de chaussures de sport à P. qui ne comprend pas pourquoi elles devraient être décrites avec précision dans un roman (« Toi, là, tu vois une paire de baskets – il désigne ses pieds – moi, tu me dis ça, tu ne me dis rien, il me faut la marque, le modèle etc. ») » ; quelques yeux ont du mal à ne pas se fixer sur son bébé de 1 mois quand T. parle ; P. a répertorié ses critiques (bonnes ou mauvaises) sous formes de tableau excel, chaque critère étant noté de 1 à 5, Rosalie évoque une compétition de patinage artistique ; A.L. trouve que certains livres ont des défauts, elle les impute à leurs éditeurs – elle demande si on va rencontrer les éditeurs ; E. parle de son enfance, elle a eu l’impression d’en revivre certaines scènes en lisant un des romans ; C. entend les voix d’une époque ; R. lance un débat sur ce qu’est ou non le style…

Et à la fin, cette dernière remarque, qui nous cueille certes, mais révèle aussi la richesse de ce qui vient de se passer :
« Finalement, ça va nous servir à quoi de rencontrer les auteur.e.s ? »

4 février 2021
T T+