Tom Leschampsperdries | Je suis un homme occupé

Né l’année où Adorno lança écrire un poème
/ avait-il en tête cette ritournelle intifada, intifada /
après Auschwitz est barbare
et où apparut le mot cha cha cha
je ne sais quoi penser de la politique des petits pas
et que d’aucuns s’étonnent que je sois nègre
/ lové en chacun de vous /

(vieux de tous les synonymes)

*

Le Je n’est pas toujours le je, le chasseur a des acolytes
/ tapi en chacun de nous /
Disney cumule tant de records
Donald Trump aimerait tellement acheter le Groenland
peut-être un allié pour réaménager les berges, et nous Assis
en amont mais qui paye le lot de promesses et espoirs
/ dans le noir vous changiez les noms sans attendre demain /

(comme dans un certain nombres de récits)

*

Les chats angoras viennent de Turquie
/ faut-il chercher des antidotes /
en Nouvelle-Zélande les chats se comportent comme des chiens
mais la bonne police des mœurs du genre Nous fait ce qu’il faut
nous avons des enfants interactifs, nous savons ce qu’il faut
je parle néanmoins parce que tu me déranges
/ du genre ah les garçons /

(on insiste sur la coopération dans la nature)

*

Il faut relier les capitales
les guérites, les commerçants, les notables, il y va de notre
Tranquillité, il y va de notre Profit poursuivre
/ vaciller on ne sait rien /
on achète de la soie à Istambul, du partage et du souci de l’autre
/ des fois on perd les cartes /
l’économie et la bonne conscience à tous les étages

(du franc succès des anxiolytiques)

*

On cultive des laitues au Groenland, effet positif des pertes attendues
/ que demande le Peuple /
à Taïwan, des rivières des lacs des eaux, notre conscience fluctuante
il s’agit juste de sauver le monde
des étudiants fabriquent des glaces des lacs, bon appétit
des étudiants français vont en vacances en Nouvelle-Zélande
/ retrouver une seconde vie /

(est-ce une partie ou le tout des populations, totalement folle)

*

Sbaemcukeeltt, as encore fait des tiennes, tu discutes à
propos de l’emprisonnement des chercheurs français en Iran
combien, où, rassurez-moi on retrouvera toujours les dossiers
/ transmission de la hantise /
tu dis non je n’y tiens pas tant que je cherche des formes
/ le réel cogne la porte de la fiction /
non, je préfère l’implosion à l’explosion

(chez nous que d’excellents charcutiers)

*

Une nouvelle année, les Fêtards sont comblés, bonnes résolutions
alcool et petit incendie Qu’importe des déchets la pollution
/ serait-ce pour le petit commerce l’aubaine /
qu’importe 5 000 tonnes de particules fines en une nuit, pourvu qu’on ait
l’orgie étourdissante, des lanternes chinoises dans le ciel c’est si beau
/ du genre puisque le plaisir se joue de la mort /
la Maison des singes a brûlé, singes et oiseaux, chauves-souris, brûlés

(cette passion pour les pétards surpuissants)

*

Détenu, à Manus, je ne connaîtrai pas mon futur, ici et maintenant ne
pas tomber en folie devant ses enfants, ne pas avaler lame de rasoir, ne
/ l’espoir pas un oiseau, pas une métaphore, bat de l’aile /
détenu pourquoi, je n’ai commis aucun crime, la vie parfois si douce
le sourire des amis, la joie à rire de rien, se lever le matin d’espoir
en soirée si vous venez en ville on vous tuera, Un par Un
/ tu écris pour survivre nous vivons un enfer /

(nous installés qu’avions-nous en tête, sans vous)

*

On n’avait pas imaginé cela, bien que nous sachions
laisser-faire et incurie, court terme et dividendes
/ du genre pas chez nous, chez les Chinois, petite grippette /
on dit on est en guerre, psys réjouis, tandis qu’à Gaza, à Damas
tandis qu’ici on porte masques quand les soignants, quels héros nos héros
se coltinent la douleur et la mort et le risque, tandis que marché noir et réseaux
/ pas de journal, pas confiné, je ne suis à peine à peine, qu’un homme occupé /

(après Auschwitz est barbare)

Texte dédié à Behrouz Boochani

10 avril 2020
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