4 – Remembering Stockhausen
Remembering Stockhausen : diptyque pour Acte I scène 5.
Dans ce diptyque de la scène 5, différentes strates de représentation de l’évènement se succèdent. J’utilise d’abord une image virtuelle de New York tirée d’un jeu vidéo.
Puis, par l’intermédiaire du compositeur, j’ai récupéré un rush inédit du 11- Septembre. J’aime particulièrement les rushs amateurs, car ils ont une rugosité que l’on ne trouve pas dans le récit des médias. Ce rush-là a une particularité : on ne voit pas les avions. On voit les tours en flammes, puis, effondrées.
Dans la video de La Chute de Fukuyama, la preuve de l’attentat - les avions percutant les tours - arrive plus tard, dans la scène 6, et par une image virtuelle qui montre l’angle mort ou l’angle impossible : celui sans trace, sans archive.
On est à la place des pilotes-kamikazes, dans les avions qui foncent vers les Tours...
Cela pose pour moi un problème éthique de premier plan.
Qu’advient-il dans l’histoire de l’œil, lorsque celui-ci exige de tout voir, de tout représenter, à un moment où la technologie permet justement de voir du point de vue de ceux qui vont mourir ?
Dans l’ensemble, j’ai transformé, traité toutes les archives et les images de synthèse de la même manière, de telle façon que la frontière entre les différentes générations d’images s’estompe, comme si les temps « archives / Passé + Animation / Présent - Passé - Futur devaient finalement se contracter, se mélanger...
Dans ce diptyque de la scène 5, le Chœur (un Chœur de journalistes et de voyageurs mêlés) reprend les premières phrases des reportages de CNN : les premières minutes, quand tout n’est encore que surprise, surgissement, avant la mise en récit, avant le bégaiement. C’est le réel dans le temps de l’effroi, le réel-nu... Les voix qui chantent ce moment-là, portent un inattendu : ce « quelque chose a lieu » que nous avons tant de mal, autrement, à retrouver tant la réalité - suivant les prévisions, modelages, calculs de risque - parait storyboardée. C’est à ce moment que la vidéo tend vers une forme d’abstraction : l’abstraction de ces lignes verticales des Tours qui, lorsqu’on les regarde de près, ne sont plus que des lignes et des variations de teintes, sans plus de perspective. L’abstraction, en ce sens, signe l’effroi.