Aile, elle / Louis-François Delisse

Parution, au Corridor bleu, d’une anthologie des poèmes écrits par Louis-François Delisse en Afrique.


« Louis-François Delisse est un poète dont il me tarde de lire l’oeuvre imprimée, en particulier celle que GLM se propose d’éditer. Elle nous consolera de tant d’êtres et de choses en ces temps loqueteux. »

Ces propos sont de René Char. Ils ont plus de 50 ans. Depuis, GLM a en effet publié Louis-François Delisse (Soleil total en 1960 et Le vÅ“u de la rose en 1961) mais force est d’admettre que l’auteur est toujours aussi méconnu.

Né en 1931 àla frontière belge, il a longtemps vécu en Afrique, notamment au Niger où il restera de 1954 à1975. Il fut rapatrié quand la dictature militaire, soutenue par nos dirigeants de l’époque, prit le pouvoir... Là-bas, Delisse a écrit en silence, avançant en plaçant sans cesse l’ellipse et l’image sur un fil tendu àla verticale, celui qui sert d’ossature légère àses poèmes aux vers courts, saccadés, rythmés par l’élan, le désir, la rencontre... Ces textes sont réunis dans Aile, elle, un beau volume de 200 pages. On y retrouve, intacte, « cette profonde fraîcheur mi-ombre, mi-lumière » dont parlait naguère Char.

« l’aube m’a touché
comme je quittai ma retraite et montai
aux collines écrêtées du jour

me voici
de la mousse sur les dents sortant du
limon la main sur le rire du jour

je monte
au-devant de l’ami chevrotant parmi
les ibis et les agneaux que le soleil
baigne de mon sang. »

Le livre (préfacé par Charles-Mézence Briseul, l’éditeur) regroupe l’ensemble des poèmes africains de celui qui, suivant les conseils de son ami Albert Béguin, quitta la France pour aller "trouver sa voix en d’autres pays", décidant de donner tout son temps aux enfants de Niamey - et àleurs parents - àun moment où il se savait, par ailleurs, menacé de rappel en Algérie. Il débute par Soleil total - ci-dessus : couverture en logo - (pour lequel GLM avait reçu en 1960 le prix des arts graphiques), se poursuit avec les longs poèmes écrits àMaïné et àZinder pour se terminer avec l’Ode au voyage et àHenri Michaux qui donne, àelle seule, bien des indices àqui souhaite suivre Delisse dans sa démarche et ses méandres.

J’étais avec des yeux gris
ternis de tristesse quand je quittais l’occident
puis je donnai mes yeux àlécher
aux ânes croisés des confins des lacs
et ils bleuirent quand j’eus quarante ans.

L’occasion de découvrir enfin ce poète, si rare et secret, est trop belle pour ne pas être saisie... En attendant la publication du second volume qui rassemblera - chez le même éditeur - les poèmes écrits depuis son retour en France.

Louis-François Delisse : Aile, elle, Le Corridor bleu.

4 juillet 2006
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