Bastard Battle et Olimpia àhaute et claire voix






Bookmark and Share

"Comme un de ces sorbets dont j’ai gavé les princes de sang et leur cour de nains, les esquitti rinfreschi dei varei sorti, dont je leur ai bourré les gosiers place Navonne, sous mes baldaquins, sous mes toiles de soie, en plein soleil, le cul posé, la gueule pleine, les yeux comme des baignoires àregarder les deux fontaines et les quatre fleuves inonder mon navire de pierre, recouvrir les pavés, rafraîchir les nymphes et les tritons, noyer les poux ; les oreilles comme des mares, les mains pleines de spumante et spume gelate, la tête brà»lante, le ventre glacé, les pieds au sce par ma seule volonté. Ah PAsquin, dis-le partout, chante, la noblesse de Rome est traversée de diarrhée, qu’elle sonne, qu’elle tonne, je règne encore !

Moi je garde. Je prends, je conserve, je garde.

Offrez-moi des plats de bijoux, des seaux d’or remplis de perles, je prends le seau, je garde le plat, les bijoux et les perles. Je conserve, je garde. Viens les mains vides, je ne te vois pas, tu ne me vois pas. Qui rien n’apporte ne voit la porte. Et va te faire pendre Giustiniani, je ne suis pas avide, méchante en tout, vendant tout, je règne. il n’est rien qui se consume soi-même autant que la libéralité. je n’ai jamais vendu qu’une seule chose, ni biens, ni colliers, ni crucifix, ni bassins et toutes fanfreluches d’autel, une seule chose, mon autorité. Non pas mon influence, je dis bien mon autorité, qui d’être achetée ne fait que s’accroître. Un vrai prince, un tyran ne vend que ce qu’il a - des bulles - et le vendant se l’octroie, le vendant deux fois et cent fois se l’octroie d’autant. Pas un objet, les objets ne sont qu’une concrétion du pouvoir, une pluie de parures destinée aux maisons et àleur lustre, une tapisserie de peintures pour les salles de réception, une tenture. Le velours de Gênes, le cramoisi, l’ébène, le diamant, les témoins liquides de la foi, de la foi au tyran, Excellence, je vous crois. Cinq fois j’ai vendu le pauvre collier de Mazarin offert en échange du chapeau rouge pour son frère, cinq fois le collier qui m’appartient, sans le perdre, sans le rendre, sans m’en vêtir, je prends, je garde, le conserve, je garde."
(extrait de Olimpia, Céline Minard, éditions Denoë l, janvier 2010, ISBN 978-2-207-26181-1

Les deux derniers livres de Céline Minard, Bastard battle (2008) et Olimpia (2010), très différents (comme chacun de ses ouvrages), ont pour point commun de chercher dans l’Histoire quelque chose qui viennent culbuter la langue. Elle frotte les langues et sa chimie est explosive. Au résultat, le texte est un flot sidérant, multicolore, une fête et un carnage - en même temps. Quelque chose qui tient en bouche. Et qui mérite d’être écouté lu àhaute voix.

Dans le cadre des JEUDIS DE PERGOLA, rendez-vous hebdomadaires au Palais de Tokyo, retrouvez le JEUDI 1er AVRIL à19h30

Lecture par Donatienne Michel-Dansac (chanteuse et interprète) de Bastard battle (LaureLi-Léo Scheer) suivie d’une lecture par Nathalie Richard (actrice et comédienne) de Olimpia (Denoë l).

Accès /
Auditorium
Tarif d’entrée aux expositions, dans la limite des places disponibles.
PALAIS DE TOKYO /
Ouvert de midi àminuit, tous les jours sauf le lundi.
13 avenue du Président Wilson 75116 Paris
Métro : ligne 9 Iéna ou Alma Marceau

24 mars 2010
T T+