Béatrice Mauri | Marasme

Béatrice Mauri vit et travaille à Bordeaux : « la poésie pour moi est un univers au compte-fil. Savoir d’où l’on vient demeure toujours un non-lieu que l’on recrée de l’évidence et de la surprise des mots sur un espace sonore social à reconstruire » ; Marasme : un arrêt d’activité de pensée sociale ; un constat en bande passante sonore ; partition qui annote le réel ; déplace l’oeil pour mieux voir. Un travail qui défit volontairement la syntaxe pour porter au plus près. Ici un extrait choisi tant sur le sonore que sur l’actuel sur un travail de 30 pages. Les blocs de mots sont comme des « états » successifs en palette de chantier. Les espaces blancs permettent un temps de recul, une respiration de pensée nécessaire.
Muerte caline : revue Le Fram. Belgique 2012, invitée par Serge Delaive ; Mortier : Triages Tarabustes, 2010 ; Baigneur à froid : At de l’Agneau /2009 ; Marasme : lecture publique 2012 ; Iench : Revue FUSEES 2010 ; lecture publique et mis en scène 2010. Juste là ; Pour un peu ; Ombre portée : revue N°4728/ 2007/2008. En cours d’écriture de l’Addict : travail qui tient sur le « trop » de cet « ici » qui ne voit rien venir. Ateliers d’écriture en IME ; lycées pro... B.M.

contact : mauri_beatrice[at]yahoo.fr


 


la main perce le papier d’instants posés plus de mouvement dedans l’iris fixe ce dehors chaotique ici un compte fil qui zoome un temps immobile sur des reins écrasés tenter d’atteindre le trait sonore de mots dits sans distinction près d’une fêlure qui traîne en vibrato électrique persistant jusqu’à l’inondation précipitée d’ondes acouphènes en script de mots appuyés chargés de ce plein consommation dehors la main s’arrête un instant tente d’extirper au corps resté vide un cri devant ce marasme social qui demeure ici sans écluse

 

 

une montée d’eau très rapide c’est monté si vite inondant les sommeils tranquilles une chose dangereuse sans une allumette sèche aux prises du vent de la marée instants noirs d’embuscades au bout de l’orteil des lézardes ronronnantes du salon à la chambre c’est monté en armoire d’inventaire salé glissant en aigre sans doux un canapé flottant sur les eaux charriées une tempête comme un souci spectaculaire face au drame encore en gerçures de spleen sans rien qui recoud cris soudain en nuits mortes rupture en hurle rue devant sanglée d’eau partout échafaudage de restes après invention du peu d’être avoir tenter d’oublier l’iris mouillé en marée basse

 

 

le corps se plaint écorchure de la pie mère qui estompe une tentative d’arrêt en stop définitif il ne reste rien muscles culminants serrés l’iris bloque sur l’écran toute la journée sifflement dans l’oeil perte du touché par préservation de l’instant vif ahurissant pas de silence les murs s’inondent d’eau rage sans trompe l’œil ici en reste encore pour une vie coûte que coûte que gouttes qui transpirent au-delà de la vision pixel entendre juste couler une larme un cri oui cela crispe dedans sans fluidité pas de coagulation pas d’investissement possibles juste un vide qui remplit le pli de la chaise sur la chair pieds verrouillés sous l’eau qui déborde l’image vive froissée par les os

 

 

près de la mer une voix qui marche en flux reflux constant contre ceux qui incendient en continuité un instant de drame renvoient l’autre au plus simple des arguments ici devant encore combien de marasme pour regarder ce vide ici en courants chauds de travers chemins de passe où traînent de beaux parleurs abuseurs géniaux pour faire des vagues ravageuses des sacs à vivre compactés sur canapé mouillé par perte aucune formalité aucune sédimentation ici une immense pelouse aseptisée tracée autour de lignes truqueuses pas d’instants de pose après le désastre touché dans cet arrêt in fine de mer noire rougie de désastre

 

 

flux constants d’images encastrées comme un jeu de légaux le journal du vingt heures roule des mécaniques ici média sans demi sel ni oméga 3 déferlement deux minutes chrono sans écluses prairies tranquilles douces ils n’oublient personne pas de coin de ciel bleu sur - impressions en vif catastrophe naturelle donnée comme un baiser heurtant une porte fermée un bain de pré adolescence un son insolent criard face au drame un arrêt qui confine la jugeote derrière des volets clos afin que rien n’y pénètre ne consume l’illusion du bien contaminé

 

 

une certaine idée de malheur un arrêt sec resserré au plus près de la couche première tenter tenir autre chose que le mensonge à l’étouffée sur ce retour d’odeur de sciure de bois hache quotidienne qui tranche les vieux en étuve de transpire persistante sur l’attente de leurs sabots dans l’entrée du couloir sans accueil aller où l’on n’entend pas tête coupée machinée dure usinée pour bien faire donner en cadeau à la progéniture cuisine de fin d’année chocolat sur paillasse nappée chaleur cuvée en pieds sous la table les matins tôt prés du réveil nébuleux un poids de gerçures couvrantes sous la laine sur ce chemin long grignoté par des petits gants tricotés étayés fondus dans le panier à tricot cheminant flamboyant près du sillon envahis de silence toujours net sec sur l’espace du dehors espérer en coin de table le couteau qui harde le pain la soupe sur la sciure glissée en miettes douces sur le carreau par arrêt d’activité au social comme ça se dit

 

 

rotatives de spleen ça tourne ça tape encore l’éjacule de mots en flotteur donne le mal de mer tricoter des pulls à la chaîne délocalisée sur les rotatives ça mâchonne même dans les toilettes sauf que les bruits de chiottes font avancer le gratin sans petits fours pour la chaîne moirée temps de mort juste des marques laissées entourées de sciures métal tissus lignes de machines enlevées envolée un truquage de genre nouveau une mise en faute de l’humble tampon de miroir imprégné du geste en gel de salaire

 

 

vaille que vaille des yeux pleurent sans lumière ils savent écouter le sable de loin près des strates sinueuses couvertes d’eau traces laissées sous la lune descendante en gueule qui respire dans les poumons de l’anémone balisée nue entourée de flaques sillonnées de mémoire qui remonte comme un signe mais cela baisse encore ça lâche sous le poids de l’asphyxie plus d’écume un chagrin esseulé qui au milieu part en savonnage un désordre ou rien ne peut plus prendre même si la marée tient au coeur accroché sur la balise plus de gueules dans le désert ici les limaces laissent leurs baves en signe de désespérance


 

 

 

26 juin 2012
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